Poucinet 

 Conte Finlandais

 

I

 

Il y avait une fois un paysan qui avait trois fils: Pierre, Paul et Jean. Pierre était grand, gros, rouge et bête; Paul était maigre, jaune, envieux et méchant; Jean était pétri de malice et blanc comme une femme, mais si petit qu'il se serait caché dans les grandes bottes de son père; aussi l'avait-on surnommé Poucinet. [p.135]

 

Pour toute richesse ici-bas le paysan n'avait que sa famille; c'était fête au logis quand, par  hasard, on y entrevoyait l'ombre d'un sou. Le seigle était cher, la vie rude; aussi, dès que les trois enfants commencèrent à travailler, le bon père les engagea-t-il soir et matin à quitter la cabane où ils étaient nés, et à courir le monde pour y chercher fortune.

 

- A l'étranger, leur disait-il, le pain n'est pas toujours facile à gagner, mais il y en a; tandis qu'ici, ce qui peut vous arriver de plus heureux, c'est de mourir de faim.

 

Mais voici qu'à une lieue de la cabane le roi du pays avait son palais; un magnifique édifice tout en [p.136] bois avec vingt balcons découpés et six fenêtres vitrées. Et voilà que tout à coup, par une belle nuit d'été, juste en face des fenêtres, il sort de terre un grand chêne, avec tant de branches et de feuilles qu'on ne voyait plus clair dans la maison dw roi. Abattre ce géant n'était pas chose facile; il n'y avait pas de cognée qui ne s'émoussât sur le tronc, et pour chaque branche ou chaque racine qu'on coupait, il en poussait deux. En vain le roi avait promis trois sacs d'écus à qui le délivrerait de ce voisinage incommode. De guerre lasse, il avait fallu se résignei à éclairer le palais en plein jour.

 

Ce n'est pas tout: dans un pays où les ruisseaux sor'ent de la pierre môme, il n'y avait pas d'eau dans le manoir royal. L'été, il fallait se laver les mains avec de la bière et se débarbouiller avec de l'hydromel. C'était une honte; aussi le prince avait-il promis des terres, de l'argent et un litre de marquis à celui qui, dans la cour du château, creuserait un puits assez profond pour donner de l'eau toute l'année. Mais personne n'avait pu gagner le prix, car le palais était sur une hauteur, et à un pied du sol on trouvait !e granit.

 

Le roi avait mis ces deux choses dans sa tête, et ne [p.137]voulait pas en démordre. Si petit prince qui! fùl, il n'était pas moins enlêlé qu'un empereur de Chine. C'est le privilège de la charge. Pour eu venir à ses fins, il fit afficher dans toute l'étendue de ses domaines une grande pancarte revêtue des armes royales. A celui qui abattrait le chôue et creuserait le puits, il n'offrait rien de moins que la main de la princesse sa fille et la moitié de son royaume. La princesse était belle comme le jour, la meitié d'un royaume n'est jamais à dédaigner; il y avait là de quoi tenter plus d'un ambitieux.

 

Aussi de Suède et de Norvège, de Danemark et de Russie, des îles et du continent vint-il une foule de robustes ouvriers, la cognée sur l'épaule et la pioche à la main. Mais ils eurent beau tailler et couper, pio[p.138]cher et creuser, ce fut peine perdue. A chaque coup le chêne devenait plus dur et le granit ne devenait pas plus tendre; si bien que les plus hardis finirent par y renoncer.

 

II

 

Un jour que dans le pays on avait beaucoup parlé de cette affaire qui tournait toutes les tètes, les trois frères se demandèrent pourquoi, si leur père y consentait, ils n'iraient point tenter la fortune. Réussir, ils n'y comptaient guère, et ne prétendaient ni à la princesse ni à la moitié du royaume; mais qui sait s'ils ne trouveraient pas, à la cour ou ailleurs, une place et un bon maître? c'était tout ce qu'il leur fallait. Le père approuva ses fils; Pierre, Paul et Jean se mirent en route pour aller au palais du roi. [p.139]

 

Tandis qu'il marchaient, Poucinet courait le long de la route, allant et venant comme un chien en chasse, regardant tout, étudiant tout, furetant partout. Mouches, herbes, cailloux, rien n'échappait à ses yeux de souris. Sans cesse il arrêtait ses frères pour leur demander le pourquoi de toutes choses; pourquoi les abeilles entraient-elles dans le calice des fleurs? pourquoi les hirondelles rasaient-elles les rivières? pourquoi les papillons volaient-ils en zigzag? A toutes ces questions Pierre se mettait à rire, Paul haussait les épaules et imposait silence à Poucinet, en l'appelant un orgueilleux et un impertinent.

 

Chemin faisant, on entra dans un grand bois de sapins qui couvrait une montagne. Sur la hauteur on entendait un bruit de cognée, un craquement de branches qui tombaient.

 

— Ça m'étonne bien qu'on abatte des arbres sur la crête d'une montagne, dit Poucinet.

 

— Ça m'étonnerait bien si tu ne t'étonnais pas, répondit Paul d'un ton sec. Tout est merveille pour les ignorants.

 

— Enfant! on dirait que tu n'as jamais vu de bûcherons, ajouta Pierre en tapant sur la joue de son petit frère. [p.140]

 

— Cest égal, dit Poucinet, je suis curieux de voir ce qui se passe là-haut.

 

— Va, dit Paul, fatigue-toi; cela to s

ervira de leçon, petit vaniteux, qui veux en savoir plus que les grands frères.

 

Poucinet ne s'inquiéta guère de la remarque; il grimpa, il courut, écoutant d'où venait le bruit et se dirigeant de ce coté. Quand il arriva en haut de la montagne, que croyez-vous qu'il trouva? Une cognée enchantée, qui toute seule et pour son plaisir taillait un pin de la plus belle venue. [p.141]

 

— Bonjour, madame de la Cognée, dit Poucinet. Ça ne vous ennuie pas d'être là toute seule à hacher ce vieil arbre?

 

— Il y a longues années que je t'attends, mon fils, répondit la cognée.

 

— Eh bien, me voici, répondit Poucinet.

 

Et, sans s'étonner de rien, il prit la cognée, la mit dans son grand sac de cuir et descendit gaiement.

 

— Quelle merveille monsieur l'étonné a-t-il vue là-haut? dit Paul en regardant Poucinet d'un air dédaigneux.

 

—Celait bien une cognée que nous entendions, répondit l'enfant.

 

— Je te l'avais dit, reprit Pierre; te voilà en nage pour rien ; tu aurais mieux fait de rester avec nous.

 

Un peu plus loin la route était péniblement ouverte entre des masses de rochers, et dans le lointain on entendait sur la hauteur un bruit sec comme celui du fer qui frappe sur la pierre.

 

— Ça métonne bien qu'on attaque un rocher par là-haut, dit Poucinet.

 

— Vraiment, dit Paul, monsieur est sorti hier de sa coquille ; il n'a jamais entendu un pivert frappant de son bec le creux d'un vieil arbre. [p.142]

 

— C'est vrai, dit Pierre en riant, c'est un pivert, reste avec nous, bambin.

 

— C'est égal, dit Poucinet, je suis curieux de voir ce qui se passe là-haut.

 

Et le voilà qui se met à grimper sur le rocher en rampant sur les mains et les genoux, tandis que Pierre et Paul se moquaient de lui.

 

Quand il arriva en haut du rocher, que croyez-vous qu'il trouva? Une pioche enchantée qui, toute seule et pour son plaisir, creusait le roc comme si c'eût été une terre molle. A chaque coup elle pénétrait de plus d'un pied.

 

— Bonjour, madame de la Pioche, dit Poucinet ; ça ne vous ennuie pas d'être là toute seule à creuser ce vieux rocher ?

 

— Il y a longues années que je t'attends, mon fils, répondit la pioche. [p.143]

 

— Eh bien, me voici, répondit Poucinet.

 

Et, sans s'étonner de rien, il prit la pioche, la démancha, mit les deux morceaux dans son grand sac de cuir, et descendit gaiement.

 

— Quel miracle Sa Seigneurie a-t-elle vu là-haut? demanda Paul d'un ton impertinent.

 

— C'était une pioche qu'on entendait, répondit l'enfant.

 

El il reprit son chemin sans en dire davantage.

 

Un peu plus loin on arriva à un ruisseau: l'eau était transparente et fraîche ; les voyageurs avaient soif: chacun se mit à boire dans le creux de sa main.

 

— Ça m'étonne bien qu'il y ait tant d'eau dans une vallée si peu profonde, dit Poucinet. Je voudrais savoir d'où sort ce ruisseau.

 

— Vous verrez, dit Paul, qu'un de ces jours cet impertinent en remontrera au bon Dieu en personne. Monsieur l'étonné ne sait pas encore que les ruisseaux sortent de terre?

 

— C'est égal, dit Poucinet, je suis curieux de voir d'où vient cette eau.

 

Et le voilà qui remonte le ruisseau malgré les cris et les reproches de ses frères. Il va, il court jusqu'à ce qu'enfin l'eau diminue, diminue. [p.144]

 

Lámina [p.145]

Reverso de lámina [p.146]

 

Et quand il fut arrivé au bout, que croyez-vous qu'il trouva? Une coquille de noix, du fond de laquelle l'eau jaillissait et brillait au soleil.

 

—Bonjour, madame de la Source, dit Poucinet; ça ne vous ennuie pas d'être là toute seule à jaillir dans votre petit coin?

 

— Il y a longues années que je t'attends, mon fils, répondit la coquille de noix.

 

— Eh bien, me voici, dit Poucinet.

 

Et, sans s'étonner de rien, il prit la coquille de noix, la tamponna avec de la mousse atin que l'eau ne pût pas sortir, et puis il mit la noix dans son grand sac de cuir et descendit gaiement.

 

— Sais-tu maintenant d'où sort ce ruisseau? lui cria Pierre du plus loin qu'il l'aperçut.  [p.147]

 

— Oui, mon frère, dit Poucinet; il sort d'un petit trou.

 

— Cet enfant a trop d'esprit, dit Paul ; on ne pourra jamais l'élever.

 

— J'ai vu ce que je voulais voir, dit tout bas Poucinet ; et je sais ce que je voulais savoir, ça me suffit.

 

Et, sur ce, il se frotta les mains.

 

III

 

 On arriva enfin au palais du roi. Le chêne était plus gros et plus touffu que jamais ; il n'y avait point de puits dans la cour du château, et à la porte du palais était toujours pendue la grande pancarte qui promettait la main de la princesse et la moiiié du royaume à quiconque, noble, bourgeois ou paysan, exécuterait les deux choses que désirait Sa Majesté.

 

Seulement, comme le roi était fatigué de tant d'essais inutiles qui n'avaient servi qu'à le désespcier, on avait mis une petite pancarte au-dessous delà grande; et sur cette petite pancarte on avait écrit en letres rouges ce qui suit :

 

«Soit donné avis par les présentes que, dans  son inépuisable bonté, Sa Majesté le roi a daigné ordonner [p.148] que quiconque ne réussira point à abattre le chêne, ou à creuser le puits, aura les oreilles coupées sur l'heure même, pour lui apprendre à se connaître lui-même, ce qui est la première leçon de la sagesse.»

 

Et afin que tout le monde pût profiter de ce conseil prudent, on avait cloué autour de la pancarte une trentaine d'oreilles toutes sanglantes, à l'adresse de ceux qui manqueraient un peu de modestie.

 

Quand Pierre eut lu l'affiche, il se mit à rire, retroussa ses moustaches, regarda ses bras où les veines gonflées marquaient comme autant de cordes bleues; puis i'I tourna deux fois sa cognée autour de sa tête, et d'un coup il abattit une des grosses branches de l'arbre maudit.

 

Mais tout aussitôt il en repoussa deux, chacune plus grande et plus forte que la première; si bien que les gardes du roi saisirent le malheu- reux bûcheron, [p.149] et, séance tenante, lui coupèrent les deux oreilles.

 

— Tu n'es qu'un maladroit, dit Paul à son frère.

 

Il prit à son tour sa cognée, tourna lentement autour de l'arbre, et, voyant une racine qui sortait du sol, il la trancha d'un seul coup. Au même instant deux énormes racines firent sauter la terre, et de chacune d'elles s'élança un jet vigoureux tout chargé de feuillage.

 

— Saisissez ce misérable! s'écria le roi furieux; et puisque l'exemple de son frère ne lui a pas servi, coupez-lui les deux oreilles au ras de la joue.

 

Sitôt dit, sitôt fait ; mais ce double malheur de famille ne parut pas effrayer Poucinet; il avança résolument pour tenter la fortune.

 

— Chassez-moi cet avorton! cria le roi; et s'il résiste, coupez-lui tout de suite les oreilles; il y gagnera une leçon et nous épargnera sa sottise.

 

— Pardon, Majesté! dit Poucinet, un roi n'a que sa parole; j'ai le droit d'essayer ; il sera toujours temps de me couper les oreilles quand je n'aurai pas réussi.

 

— Va donc, dit le roi en soupirant ; mais prends garde que je ne te fasse couper le nez par-dessus le marché.

 

Du fond de son grand sac de cuir Poucinet tira la [p.150] cognée enchantée; elle était presque aussi haute que lui, et il eut quelque peine à la mettre debout, le manche appuyé sur la terre.

 

— Coupe! coupe! lui cria-t-il.

 

Et voici la cognée qui coupe, qui taille, qui fend, qui abat, à droite, à gauche, en haut, en bas. Tronc, branches, racines, tout est en morceaux; ce fut l'affaire d'un quart d'heure; et cependant il y avait tant [p.151] de bois, tant de bois, que la cour tout entière s'en chauffa pendant plus d'un an.

 

Quand l'arbre fut abattu et rasé, Poucinet s'approcha du roi, qui avait fait asseoir la princesse auprès de lui, et il leur fit à tous deux un salut gracieux.

 

— Votre Majesté, dit-il, est-elle satisfaite de son fidèle sujet?

 

— Oui, dit le roi; mais il me faut mon puits, ou sinon gare tes oreilles!

 

— Que Votre Majesté veuille bien m'indiquer l'endroit qui lui convient, dit Poucinet; j'essayerai encore une fois d'être agréable à mon souverain.

 

On se rendit dans la grande cour du palais; le roi se plaça sur un siège élevé ; la princesse se mit un peu au-dessous de son père et commença à regarder avec une certaine inquiétude le petit mari que le ciel lui envoyait. Ce n'était pas un époux de cette taille qu'elle avait rêvé.

 

Sans se troubler le moins du monde, Poucinet tira de son grand sac de cuir la pioche enchantée; il l'emmancha tranquillement; puis, la plaçant à terre au lieu indiqué: [p.152]

 

Reverso de lámina [p.153]

Lámina [p.154]

 

— Pioche! pioche! lui cria-t-il.

 

Et voilà la pioche qui fait sauter en éclats le granit, et qui, en moins d'un quart d'heure, creuse un puits de plus de cent pieds de profondeur.

 

— Votre Majesté, dit Poucinet en saluant le roi, trouve-t-elle que cette citerne soit assez creuse?

 

— Oui, certes, dit le roi ; mais il y manque de l'eau.

 

— Que Votre Majesté m'accorde une minute, dit Poucinet, et sa juste impatience sera satisfaite.

 

Disant cela, il tira de son grand sac de cuir la coquille de noix tout enveloppée de mousse, et la plaça sur une grande vasque où, faute d'eau, on avait mis des fleurs. Une fois que la coquille fut solidement entrée dans la terre:

 

— Jaillis ! jaillis ! cria-t-il.

 

Et voici l'eau qui jaillit au milieu des fleurs en chantant avec un doux murmure, et qui retombe en pluie et en cascade, avec une telle fraîcheur que toute la cour en avait froid, avec une telle abondance qu'en un quart d'heure le puits était rempli, et qu'il fallut creuser en toute hâte un ruisseau pour se délivrer de cette richesse menaçante.

 

— Sire, dit Poucinet en mettant un genou en terre [p.155]  devant le fauteuil royal, Votre Majesté trouve-t-elle que j'aie rempli ses conditions?

 

— Oui, marquis de Poucinette, répondit le roi; je suis prêt à te céder la moitié de mon royaume, ou à t'en payer le prix, au moyen d'un impôt que mes fidèles sujets seront trop heureux d'acquitter; mais, pour te donner la princesse et t'appeler mon gendre, c'est une autre affaire, car cela ne dépend pas de moi seul.

 

— Que faut-il faire? demanda fièrement Poucinet, en mettant le poing sur la hanche et en regardant la princesse.

 

— Tu le sauras demain, reprit le roi ; en attendant tu es mon hôte, on va te préparer la plus belle chambre du château.

 

Le roi parti, Poucinet courut à ses deux frères, qui, avec leurs oreilles coupées, avaient l'air de chiens ratiers.

 

— Ah! mes bons amis I leur dit-il, voyez si j'avais tort de m'étonner de toutes choses el d'en chercher la raison?

 

— Tu as eu de la chance, reprit froidement Paul; la fortune est aveugle et ne choisit pas toujours le plus digne.

 

— Tu as bien fait, mon enfant, dit Pierre. Avec ou [p.156] sans oreilles, je me réjouis de ton bonheur, et je voudrais que noire père fût ici.

 

Poucinet emmena ses deux frères avec lui; et, comme il était en faveur, le jour même un chambellan trouva moyen d'occuper au château les deux essorillés.

 

IV

 

Rentré dans ses appartements, le roi ne dormit pas. Un gendre tel que Poucinet ne lui plaisait guère ; Sa Majesté cherchait comment elle pourrait ne pas tenir sa parole sans avoir l'air d'y manquer. Pour les honnêtes gens, c'est une œuvre difficile. Placé entre son honneur et son intérêt, jamais un coquin n'iiésite; mais c'est pour cela qu'il est un coquin.

 

Dans son anxiété, le roi fit appeler Pierre et Paul ; les deux frères pouvaient seuls lui faire connaître l'origine, le caractère et les moeurs de Poucinet. Pierre fit l'éloge de son petit frère, ce qui charma médiocrement Sa Majesté; Paul mit le roi plus à Taise en lui prouvant que Poucinet n'était qu'un aventurier, et qu'il serait ridicule qu'un grand prince se crût obligé envers un vilain.

 

— Cet enfant est si vaniteux, ajouta le méchant [p.157] frère, qu'il se croit de taille à affronter un géant. Dans ce district vit un Troll(1)  qui est la terreur du voisinage; il enlève les bœufs et les vaches à dix lieues à la ronde; eh bien, Poucinet a répété plusieurs fois que, s'il voulait, il ferait de ce monstre son valet.

 

— C'est ce que nous verrons, dit le roi. Là-dessus il congédia les deux frères, et dormit tranquillement. [p.158]

 

Le lendemain, en présence de toute la cour, le roi fit appeler Poucinet. Il arriva blanc comme le lis, frais comme la rose, souriant comme le matin.

 

— Mon gendre, dit le roi en appuyant sur ces mots, un brave tel que vous ne peut pas épouser une princesse sans lui donner une maison digne d'elle. Il y a dans ces bois un Troll qui a, dit-on, vingt pieds de haut, et qui mange un bœuf à son déjeûner. Avec un habit galonné, un chapeau à trois cornes, des épaulettes d'or et une hallebarde de quinze pieds, cela ferait un portier digne d'un roi. Ma fille vous prie de lui faire ce petit cadeau, après quoi elle verra à vous donner sa main.

 

— Ça n'est pas aisé, dit Poucinet ; mais pour plaire à Son Allesse, j'essayerai.

 

Il descendit à l'office, mit dans son grand sac de [p.159] cuir la cognée enchantée, un pain, un morceau de fromage et un couteau, puis, jetant son sac sur son épaule, il prit le chemin des bois. Pierre pleurait, Paul souriait, et comptait bien qu'une fois parti, son frère ne reviendrait jamais.

 

Entré dans la forêt, Poucinet regarda de droite et de gauche, mais les herbes l'empêchaient de voir. Alors il se mit à chantera plein gosier:

 

Troll par ci, Troll par là,

Où donc es-tu? Je le défie!

Il me faut ton corps ou ta vie;

Troll par ci, Troll par là,

Veux-tu te montrer?

 

Me voilà! cria le géant avec un hurlement épouvantable; attends-moi, je ne ferai de toi qu'une bouchée.

 

— Ne te presse pas, mon bon ami, répondit Poucinet de sa petite voix pointue; j'ai une heure à te donner.

 

Quand le Troll arriva, il tourna la tète de tous côlés, fort étonné de ne rien voir; enfin, baissant les yeux, il aperçut un enfant assis sur un arbre renversé et tenant un grand sac de cuir entre ses genoux. [p.160]

 

— Est-ce toi qui m'as tiré de mon somme, vaurien? dit-il en roulant de gros yeux flamboyants.

 

— Moi-môme, mon cher, dit Poucinet; je viens te prendre à mon service.

 

— Ah! ah! dit le géant, qui était aussi bête qu'il était grand; nous allons rire. Je vais le jeter dans ce nid de corbeaux que j'aperçois là-haut; ça t'apprendra à rôder dans ma forêt.

 

— Ta forêt? reprit l'enfant; elle est à moi plus qu'à toi ; si tu dis un mot, je la rase en un quart d'heure. [p.161]

 

— Ah! ah! reprit le géant, je voudrais voir ça, mon petit bonhomme.

 

Poucinet avait placé la cognée à terre

 

— Coupe! coupe! lui cria-t-il.

 

Et voici la cognée qui coupe, qui taille, qui fend, qui abat, à droite, à gauche, en bas, en haut. Et voilà les branches qui pleuvenl sur la tête du Troll, dru comme grêle en temps d'orage.

 

— Assez, assez, dit le géant, qui commençait à avoir peur ; ne me détruis pas ma forêt. Qui donc es-tu ?

 

— Je suis le fameux sorcier Poucinet ; et je n'ai qu'à dire un mot pour que ma cognée te tranche la tête. Tu ne sais pas encore à qui lu as affaire. Reste là.

 

Le géant s'arrêta, fort intrigué de ce qu'il avait vu. Poucinet, qui avait faim, ouvrit son grand sac de cuir et en tira son pain et son fromage.

 

— Qu'est-ce que c'est que cette chose blanche? demanda le Troll, qui n'avait jamais vu de fromage.

 

— C'est une pierre, dit Poucinet. Et il y mordit à belles dents.

 

— Tu manges des pierres? dit le géant.

 

— Oui, c'est ma nouri-iture habituelle; c'est pour [p.162] cela que je ne grandis pas comme loi, qui manges des bœufs ; mais c'est pour cela que, dans ma petite taille, je suis dix fois plus fort que toi. Mène-moi à ta maison.

 

Reverso de lámina [p.163]

 Lámina [p.164]

 

Le Troll était vaincu; il marcha devant Poucinet comme un gros chien devant un enfant, et le fit entrer dans son immense cabane.

 

— Écoute, dit Poucinet au géant , il faut que l'un de nous deux soit le maître et que l'autre soit le va[p.165]let. Faisons un marché. Si je ne fais pas ce que tu fais, je serai ton esclave; si lu ne fais pas ce que je fais, tu seras le mien.

 

— Accepté, dit le Troll; j'aimerais à avoir pour valet un petit fùté comme toi. Ça me fatigue de penser, tu auras de l'esprit pour moi. Pour commencer, voici mes deux seaux: va me cher- cher de l'eau pour faire le pot-au-feu.

 

Poucinet leva la tête pour regarder les deux seaux. C'étaient deux tonnes énormes qui avaient chacune dix pieds de haut et six de large; il lui eût été plus facile de s'y noyer que de les remuer.

 

— Ah! ah! dit le géant en ouvrant sa large houche, te voilà déjà empêché, mon fils; fais donc ce que je fais, va puiser de l'eau.

 

— A quoi bon? dit Poucinet ; je cours chercher la source, et je la jetterai dans la marmite, ce seraplus tôt fini.

 

— Non, non, cria le Troll; tu m'as déjà gàté ma forêt, je ne veux pas que tu me prennes ma source: demain je serais à sec. Fais le feu, je vais chercher de l'eau.

 

Une fois la marmite accrochée, le géant y jeta un bœuf coupé par morceaux, avec cinquante choux et [p.166] une voiture de carottes. Il écuma avec une poêle à frire, et goûta plus d'une fois au bouillon.

 

— A table maintenant, dit-il ; nous verrons si tu feras ce que je ferai. Pour ma part, je me sens d'humeur à manger ce bœuf tout entier, et toi  par-dessus le marché, tu me serviras de dessert.

 

— A table, dit Poucinet.

 

Mais avant de s'asseoir, il glissa sous sa jaquette son grand sac de cuir qui lui descendait du cou jusqu'aux pieds.

 

Voici les deux compères à table; le Troll mangeait, mangeai!, Poucinet n'y allait pas non plus de main morte; mais c'était dans son sac qu'il jetait viande, choux et carottes, sans que rien l'arrêtât.

 

— Ouf! dit le géant, je n'en puis plus, je vais défaire un bouton de ma veste.

 

— Mange donc, paresseux, cria Poucinet en enfonçant la moitié d'un chou sous son menton. [p.167]

 

— Ouf! dit le géant, je défais un second bouton. Quel estomac d'autruche as-tu donc, mon fils? On voit que tu es habitué à manger des pierres.

 

— Mange donc, paresseux, cria Poucinet en enfonçant un gros morceau de bœuf sous son menton.

 

— Ouf! dit le géant, je défais mon troisième bouton, j'étouffe. Et toi, sorcier.

 

— Bah ! dit Poucinet, rien n'est plus facile que de se donner un neu d'air.

 

Il prit son couteau, et fendit sa jaquette et son sac dans toute la longueur de l'estomac.

 

— A ton tour, dit-il au géant, fais ce que je fais.

 

Serviteur, dit-il, j'aime mieux être ton valet; je ne digère pas l'acier.

 

Chose dite, chose faite; le géant baisa la main de Poucinet en signe de soumission ; puis chargeant sur une épaule son petit maître et sur l'autre un gros sac d'or, il prit le chemin du château. [p.168]

 

V

 

Il y avait fête au palais, et l'on ne pensait pas plus à Poucinet que si le géant l'avait mangé depuis huit jours, quand tout à coup on entendit un fracas effroyable. Le château trembla jusque dans ses fondements. C'était le Troll qui, trouvant la grande porte trop basse pour lui, l'avait jetée à terre d'un coup de pied.

 

Chacun courut à la fenêtre , le roi comme les autres, et on aperçut Poucinet tran[p.169]quillement assis sur l'épaule de son terrible valet.

 

Notre aventurier entra de plain-pied par le balcon du premier étage, et mettant un genou à terre devant sa fiancée :

 

— Princesse, dit-il, vous avez désiré un esclave, en voici deux.

 

Cette parole galante fut insérée le lendemain dans le bulletin officiel de la Gazette de la Cour, mais au moment où elle fut dite, elle embarrassa un peu le roi. Ne sachant que répondre, il tira la princesse dans l'embrasure d'une fenêtre.

 

— Ma fille, lui dit-il, je n'ai plus de motif pour refuser ta main à ce hardi jeune homme ; sacrifie toi à la raison d'État; on ne marie pas les princesses pour leur plaisir.

 

— Permettez, mon père, dit l'infante en faisant une révérence, princesse ou non, toute fille aime à se marier suivant son goût; laissez-moi défendre mes droits à ma façon.

 

— Poucinet, ajouta-t-elle à haute voix, vous êtes brave et heureux , mais cela ne suffît pas pour plaire aux dames.

 

— Je le sais, dit Poucinet, il faut de plus faire leur volonté et se plier à leurs caprices. [p.170]

 

— Vous êtes un garçon d'esprit , répondit la princesse. Puisque vous devinez si bien, je vous propose une dernière épreuve qui ne doit pas vous effrayer, car vous n'aurez que moi pour adversaire. Joutons à qui sera le plus fin ; ma main sera le prix du combat.

 

Poucinet fit un profond salut; toute la cour descendit dans la salle du trône, où, à l'effroi général, on trouva le Troll assis parterre. La salle n'avait que quinze pieds de haut, le pauvre géant n'y pouvait tenir debout. Sur un signe de son jeune maître, il vint en rampant se mettre auprès de lui, heureux et fier de lui obéir. C'était la force au service de l'esprit. [p.171]

 

— Commençons, dit la princesse, mais par une folie. On dit que les femmes n'ont pas peur de mentir, voyons qui de nous deux supportera le mieux un mensonge. Le premier qui dira: Cest trop fortj sera vaincu.

 

— Pour mentir en riant, ou pour dire la vérité sérieusement, je suis aux ordres de Son Altesse, répondit Poucinet.

 

— Je suis sûre, dit la princesse, que vous n'avez pas une ferme aussi belle que la nôtre. Quand deux bergers cornent à chaque bout de nos terres, le premier n'entend pas le second, le second n'entend pas le premier.

 

— Qu'est-ce que cela? dit Poucinet. L'enclos de mon père est si vaste que, lorsqu'une génisse de deux mois entre par une porte , elle en sort par l'autre déjà vache et donnant du lait.

 

— Ça ne m'étonne pas, dit la princesse; mais vous n'avez pas un taureau aussi gros que le nôtre. Un homme peut s'asseoir sur chacune de ses cornes, et ces deux hommes ne peuvent pas se toucher avec un aiguillon de vingt pieds.

 

— Qu'est-ce que cela? dit Poucinet. Le taureau de mon père a la tète si large , qu'un valet placé sur [p.172] une de ses cornes ne peut apercevoir le valet perché sur l'autre corne.

 

— Cela ne m'étonne pas, dit la princesse; mais vous n'avez pas autant de lait que nous, car nous en emplissons chaque jour vingt tonnes qui ont chacune cent pieds de hauteur, et chaque semaine nous empilons une montagne de fromages qui n'est ni moins large ni moins élevée que la grande pyramide d'Egypte.

 

— Qu'est-ce que cela? dit Poucinet. Dans l'étable de mon père, on fait de si grands fromages, qu'un jour notre jument étant tombée dans la forme, nous ne l'avons retrouvée qu'après un voyage de sept jours, encore la pauvre bête avait-elle les reins cassés. Pour m'en servir, j'ai été obligé de lui remplacer l'épine du dos par un grand sapin; ce qui allait à merveille. Mais un beau matin, voilà le sapin qui pousse une branche en l'air, et celte branche devient si haute, qu'en grimpant après j'arrivai jusqu'au ciel. Là, je vois une dame en blanc qui filait l'écume de la mer pour en faire du fil de la vierge ; je veux en prendre, crac, le fil casse, et je tombe dans un trou de souris. Là, qu'est-ce que je vois, votre père et ma mère qui filaient chacun leur quenouille, et, comme votre père était maladroit, voici [p.1732] ma mère qui lui donne un tel soufflet, qu'elle lui en fait trembler la moustache.

 

— C'est trop fort, s'écria la princesse furieuse; jamais mon père n'a souffert une pareille indignité.

 

— Elle a dit: C'est trop fort y cria le géant; maître, la princesse est à nous.

 

VI

 

Pas encore, dit la princesse en rougissant. Poucinet, j'ai trois énigmes à vous proposer, devinez-les, je n'aurai plus qu'à obéir à mon père.

 

Dites-moi quelle est la chose qui tombe toujours et qui ne se casse jamais.

 

— Ah! dil Poucinet, il y a longtemps que ma mère me l'a appris: c'est une cascade.

 

— C'est pourtant vrai, s'écria le géant. Qui est-ce qui aurait deviné ça? [p.174]

 

— Dites-moi, continua la princesse, d'une voix plus émue : Qu'est-ce qui fait tous les jours la même route et ne revient jamais sur ses pas?

 

— Ah! dit Poucinet, il y a longtemps que ma mère me l'a appris: c'est le soleil.

 

— C'est bon, dit la princesse, pâle de colère, reste une dernière question. Qu'est-ce que vous pensez et que je ne pense pas? Qu'est-ce que je ne pense pas et que vous pensez? Quelle est la chose que nous pensons tous les deux? Quelle est celle que nous ne pensons ni l'uani l'autre?

 

Poucinet baissa la tête et réfléchit ; il était embarrassé.

 

— Maìtre, dit le Troll, si la chose est trop difficile, ne vous cassez pas la fùte. Faites un signe, j'emporte la princesse, ça sera fini tout de suite.

 

— Tais-toi, esclave, dit Poucinet. La force ne peut rien, mon pauvre ami ; tu devrais en savoir quelque chose; laisse-moi essayer d'un autre moyen.

 

— Madame, dit-il au milieu d'un profond silence; je n'ose deviner, et cependant, dans celte énigme, j'entrevois mon bonheur. J'ai osé penser que vos paroles n'auraient pour moi nulle obscurité, et vous avez justement pensé le contraire. Vous avez la [p.175] bonté de croire que je ne suis pas indigne de vous plaire, et je n'ai pas la témérité de le penser. Enfin, ajouta-t-il en souriant, ce que nous pensons tous les deux, c'est qu'il y en a de plus sots que nous dans ce monde ; ce que nous ne pensons ni l'un ni l'autre, c'est que le roi, votre auguste père, et ce pauvre Troll aient autant...

 

— Silence, dit la princesse, voici ma main.

 

— Que pensez-vous donc sur mon compte? s'écria le roi ; je serais heureux de le savoir.

 

— Mon bon père, dit la princesse en lui sautant au cou, nous pensons que vous êtes le plus sage des rois et le meilleur des hommes.

 

— Bien, dit le roi, je le sais. En attendant, il faut faire quelque chose pour mon bon peuple. Poucinet, je vous nomme duc.

 

— Vive le duc de Poucinet! vive mon maître, cria le géant d'une telle voix, qu'on crut que le tonnerre tombait sur la maison. Heureusement on en fut quitte pour la peur et pour vingt carreaux brisés. [p.176]

 

Reverso de lámina [p.177]

Lámina [p.178]

 

VII

 

Raconter les noces de la princesse et de Poucinet serait chose inutile; toutes les noces se ressemblent, il n'y a de différence que dans les lendemains.

 

Cependant, de la part d'un historien sincère, il serait inexcusable de ne pas dire que la présence du Troll ajouta beaucoup d'agrément à celte fête magnifique. C'est ainsi qu'à la sortie du moustier, dans l'excès de sa joie, le fidèle géant ne trouva rien de mieux à faire que de mettre la voiture de noce sur sa lêle et de ramener ainsi les époux au palais. C'est là un de ces incidents qu'il est bon de noter, car on ne les voit pas tous les jours.

 

Le soir, il y eut fête dans toute la résidence. Festins, discours, verres de couleur, épithalames, feu d'artifice, fleurs et bouquets, rien ne manqua à la solennité; ce fut une joie universelle.

 

Dans le château, chacun riait, chantait, mangeait, parlait ou buvait; un seul homme, caché dans un coin, s'amusait d'une façon qui n'était point celle de tout le monde; c'était Paul. Il se trouvait heureux qu'on lui eût coupé les oreilles, parce qu'il deve[p.179]nait sourd et n'entendait pas les éloges prodigués à son frère; en revanche, il se trouvait malheureux de n'être pas aveugle, parce qu'il lui fallait voir le sourire des deux fiancés. Aussi finit-il par s'enfuir dans les bois, où il fut mangé par les ours; j'en souhaite autant à tous les envieux.

 

Poucinet était si petit qu'il était bien difficile de le respecter ; mais il était si affable et si doux, qu'il eut bientôt conquis l'amour de sa femme et l'affection du peuple tout entier. Après la mort de son beau-père, il occupa le trône pendant cinquante-deux ans, sans que jamais personne un seul jour désirât une révolution. Fait incroyable, s'il ne nous était attesté par la chronique officielle de son règne. Il avait tant de finesse, dit l'histoire, qu'il devinait toujours ce qui pouvait servir ou plaire à chacun de ses sujets; il était si bon, que le plaisir d'autrui faisait toute sa joie. Il ne vivait que pour les autres.  

 

Mais pourquoi louer sa bonté? n'est-ce pas la vertu des gens d'esprit? Quoi qu'on en dise, il n'y a pas de bonne bête ici-bas ; je ne parle que des bêtes à deux pieds et sans plume. Quand on est bête, on n'est pas bon; quand on est bon, on n'est pas bête: croyez-en ma vieille expérience. Si tous les imbéciles [p.180] ne sont pas méchants, ce dont je doute, tous les méchants sont des imbéciles. C'est la morale de mon conte ; elle en vaut bien une autre. Qu'on en trouve une meilleure, je Tirai dire à Rome.

 

(1) Chez les Scandinaves, les Trolls sont des géants monstrueux qui habitent les lacs et les forêts. C'est probablement de ce nom qu'est venu notre mot de drôle, qui en route a changé de sens.


Notas. El texto y las ilustraciones fueron tomados de: É. Laboulaye 1864. Poucinet. En: Contes bleus, Furne et Cie. Libraires-Editeurs, Paris, 135-181. Se indica la paginación -entre corchetes y resaltado en rojo- para facilitar al interesado las citas de partes del cuento


Meñique

(Del francés, de Laboulaye)

 

Cuento de magia, donde se relata la historia del sabichoso Meñique, y se vé que el saber vale más que la fuerza

 

I

 

En un país muy extraño vivió hace mucho tiempo un campesino que tenía tres hijos: Pedro, Pablo y Juancito. Pedro era gordo y grande, de cara colorada, y de pocas entendederas; Pablo era canijo y paliducho, lleno de envidias y de celos; Juancito era lindo como una mujer, y más ligero que un resorte, pero tan chiquitín que se podía esconder en una bota de su padre. Nadie le decía Juan, sino Meñique.

 

El campesino era tan pobre que había fiesta en la casa cuando traía alguno un centavo. El pan costaba mucho, aunque era pan negro; y no tenían cómo ganarse la vida. En cuanto los tres hijos fueron bastante [p.310] crecidos, el padre les rogó por su bien que salieran de su choza infeliz, a buscar fortuna por el mundo. Les dolió el corazón de dejar solo a su padre viejo, y decir adiós para siempre a los árboles que habían sembrado, a la casita en que habían nacido, al arroyo donde bebían el agua en la palma de la mano. Como a una legua de allí tenía el rey del país un palacio magnífico, todo de madera, con veinte balcones de roble tallado, y seis ventanitas. Y sucedió que de repente, en una noche de mucho calor, salió de la tierra, delante de las seis ventanas, un roble enorme con ramas tan gruesas y tanto follaje que dejó a oscuras el palacio del rey. Era un árbol encantado, y no había hacha que pudiera echarlo a tierra, porque se le mellaba el filo en lo duro del tronco, y por cada rama que le cortaban salían dos. El rey ofreció dar tres sacos llenos de pesos a quien le quitara de encima al palacio aquel arbolón; pero allí se estaba el roble, echando ramas y raíces, y el rey tuvo que conformarse con encender luces de día.

 

Y eso no era todo. Por aquel país, hasta de las piedras del camino salían los manantiales; pero en el palacio no había agua. La gente del palacio se lavaba las manos con cerveza y se afeitaba con miel. El rey había prometido hacer marqués y dar muchas tierras y dinero al que ha abriese en el patio del castillo un pozo donde se pudiera guardar agua para todo el año. Pero nadie se llevó el premio, porque el palacio estaba en una roca, y en cuanto se escarbaba la tierra de arriba, salía debajo la capa de granito. Como una pulgada nada más había de tierra floja.

 

Los reyes son caprichosos, y este reyecito quería salirse con su gusto. Mandó pregoneros que fueran clavando por todos los pueblos y caminos de su reino el cartel sellado con las armas reales, donde ofrecía casar a su hija con el que cortara el árbol y abriese el pozo, y darle además la mitad de sus tierras. Las tierras eran de lo mejor para sembrar, y la princesa tenía fama de inteligente y hermosa; así es que empezó a venir de todas partes un ejército de hombres forzudos, con el hacha al hombro y el pico al brazo. Pero todas las hachas se mellaban contra el roble, y todos los picos se rompían contra la roca.

 

II

 

Los tres hijos del campesino oyeron el pregón, y tomaron el camino del palacio, sin creer que iban a casarse con la princesa, sino que encontrarían entre tanta gente algún trabajo. Los tres iban anda que anda, Pedro siempre contento, Pablo hablándose solo, y Meñique saltando de [p.311] acá para allá, metiéndose por todas las veredas y escondrijos, viéndolo todo con sus ojos brillantes de ardilla. A cada paso tenía algo nuevo que preguntar a sus hermanos: que por qué las abejas metían la cabecita en las flores, que por qué las golondrinas volaban tan cerca del agua, que por qué no volaban derecho las mariposas. Pedro se echaba a reír, y Pablo se encogía de hombros y lo mandaba callar.

 

Caminando, caminando, llegaron a un pinar muy espeso que cubría todo un monte, y oyeron un ruido grande, como de un hacha, y de árboles que caían allá en lo más alto.

 

-Yo quisiera saber por qué andan allá arriba cortando leña-dijo Meñique.

 

-Todo lo quiere saber el que no sabe nada-dijo Pablo, medio gruñendo.

 

-Parece que este muñeco no ha oído nunca cortar leña-dijo Pedro, torciéndole el cachete a Meñique de un buen pellizco.

 

-Yo voy a ver lo que hacen allá arriba-dijo Meñique.

 

-Anda, ridículo, que ya bajarás bien cansado, por no creer lo que te dicen tus hermanos mayores.

 

Y de ramas en piedras, gateando y saltando, subió Meñique por donde venía el sonido. Y ¿qué encontró Meñique en lo alto del monte? Pues un hacha encantada, que cortaba sola, y estaba echando abajo un pino muy recio.

 

-Buenos días, señora hacha-dijo Meñique; -¿no está cansada de cortar tan solita ese árbol tan viejo?

 

-Hace muchos años, hijo mío, que estoy esperando por ti-respondió el hacha.

 

-Pues aquí me tiene -dijo Meñique.

 

Y sin ponerse a temblar, ni preguntar más, metió el hacha en su gran saco de cuero, y bajó el monte, brincando y cantando.

 

-¿Qué vio allá arriba el que todo lo quiere saber?-preguntó Pablo, sacando el labio de abajo, y mirando a Meñique como una torre a un alfiler.

 

-Pues el hacha que oíamos-le contestó Meñique.

 

-Ya ve el chiquitín la tontería de meterse por nada en esos sudores-le dijo Pedro el gordo.

 

A poco andar ya era de piedra todo el camino, y se oyó un ruido que venía de lejos, como de un hierro que golpease en una roca.

 

-Yo quisiera saber quién anda allá lejos picando piedras-dijo Meñique. [p.312]

 

-Aquí está un pichón que acaba de salir del huevo, y no ha oído nunca al pájaro carpintero picoteando en un tronco-dijo Pablo.

 

-Quédate con nosotros, hijo, que eso no es más que el pájaro carpintero que picotea en un tronco -dijo Pedro.

 

-Yo voy a ver lo que pasa allá lejos.

 

Y aquí de rodillas, y allá medio a rastras, subió la roca Meñique, oyendo como se reían a carcajadas Pedro y Pablo. ¿Y qué encontró Meñique allá en la roca? Pues un pico encantado, que picaba solo, y estaba abriendo la roca como si fuese mantequilla.

 

-Buenos días, señor pico-dijo Meñique:-¿no está cansado de picar tan solito en esa roca vieja?

 

-Hace muchos años, hijo mío, que estoy esperando por ti-respondió el pico.

 

-Pues aquí me tiene-dijo Meñique.

 

Y sin pizca de miedo le echó mano al pico, lo sacó del mango, los metió aparte en su gran saco de cuero, y bajó por aquellas piedras, retozando y cantando.

 

-¿Y qué milagro vio por allá su señoría?-preguntó Pablo, con los bigotes de punta.

 

-Era un pico lo que oímos-respondió Meñique, y siguió andando sin decir más palabra.

 

Más adelante encontraron un arroyo, y se detuvieron a beber, porque era mucho el calor.

 

-Yo quisiera saber-dijo Meñique-de dónde sale tanta agua en un valle tan llano como éste.

 

-¡Grandísimo pretencioso-dijo Pablo;-que en todo quiere meter la nariz! ¿No sabes que los manantiales salen de la tierra?

 

-Yo voy a ver de dónde sale esta agua.

 

Y los hermanos se quedaron diciendo picardías; pero Meñique echó a andar por la orilla del arroyo, que se iba estrechando, estrechando, hasta que no era más que un hilo. Y ¿qué encontró Meñique cuando llegó al fin? Pues una cáscara de nuez encantada, de donde salía a borbotones el agua clara chispeando al sol.

 

-Buenos días, señor arroyo-dijo Meñique;-¿no está cansado de vivir tan solito en su rincón, manando agua?

 

-Hace muchos años, hijo mío, que estoy esperando por ti-respondió el arroyo.

 

-Pues aquí me tiene-dijo Meñique. [p.313]

 

Y sin el menor susto tomó la cáscara de nuez, la envolvió bien en musgo fresco para que no se saliera el agua, la puso en su gran saco de cuero, y se volvió por donde vino, saltando y cantando.

 

-¿Ya sabes de dónde viene el agua?-le gritó Pedro.

 

-Sí, hermano; viene de un agujerito.

 

-¡Oh, a este amigo se lo come el talento! ¡Por eso no crece!-dijo Pablo, el paliducho.

 

-Yo he visto lo que quería ver, y sé lo que quería saber-se dijo Meñique a sí mismo. Y siguió su camino, frotándose las manos.

 

III

 

Por fin llegaron al palacio del rey. El roble crecía más que nunca, el pozo no lo habían podido abrir, y en la puerta estaba el cartel sellado con las armas reales, donde prometía el rey casar a su hija y dar la mitad de su reino a quienquiera que cortase el roble y abriese el pozo, fuera señor de la corte, o vasallo acomodado, o pobre campesino. Pero el rey, cansado de tanta prueba inútil, había hecho clavar debajo del cartelón otro cartel más pequeño, que decía con letras coloradas:

 

«Sepan los hombres por este cartel, que el rey y señor, como buen rey que es, se ha dignado mandar que le corten las orejas debajo del mismo roble al que venga a cortar el árbol o abrir el pozo, y no corte, ni abra; para enseñarle a conocerse a sí mismo y a ser modesto, que es la primera lección de la sabiduría.»

 

Y alrededor de este cartel había clavadas treinta orejas sanguinolentas, cortadas por la raíz de la piel a quince hombres que se creyeron más fuertes de lo que eran.

 

Al leer este aviso, Pedro se echó a reír, se retorció los bigotes, se miró los brazos, con aquellos músculos que parecían cuerdas, le dio al hacha dos vuelos por encima de su cabeza, y de un golpe echó abajo una de las ramas más gruesas del árbol maldito. Pero enseguida salieron dos ramas poderosas en el punto mismo del hachazo, y los soldados del rey le cortaron las orejas sin más ceremonia.

 

-¡Inutilón!-dijo Pablo, y se fue al tronco, hacha en mano, y le cortó de un golpe una gran raíz. Pero salieron dos raíces enormes en vez de una.

 

Y el rey furioso mandó que le cortaran las orejas a aquel que no quiso aprender en la cabeza de su hermano. [p.314]

 

Pero a Meñique no se le achicó el corazón, y se le echó al roble encima.

 

-¡Quítenme a ese enano de ahí!-dijo el rey-¡y si no se quiere quitar, córtenle las orejas!

 

-Señor rey, tu palabra es sagrada. La palabra de un hombre es ley, señor rey. Yo tengo derecho por tu cartel a probar mi fortuna. Ya tendrás tiempo de cortarme las orejas, si no corto el árbol.

 

-Y la nariz te la rebanarán también, si no lo cortas.

 

Meñique sacó con mucha faena el hacha encantada de su gran saco de cuero. El hacha era más grande que Meñique. Y Meñique le dijo: «¡Corta, hacha, corta!»

 

Y el hacha cortó, tajo, astilló, derribó las ramas, cercenó el tronco, arrancó las raíces, limpió la tierra en redondo, a derecha y a izquierda, y tanta leña apiló del árbol en trizas, que el palacio se calentó con el roble todo aquel invierno.

 

Cuando ya no quedaba del árbol una sola hoja, Meñique fue donde estaba el rey sentado junto a la princesa, y los saludó con mucha cortesía.

 

-¿Dígame el rey ahora dónde quiere que le abra el pozo su criado? Y toda la corte fue al patio del palacio con el rey, a ver abrir el pozo. El rey subió a un estrado más alto que los asientos de los demás; la princesa tenía su silla en un escalón más bajo, y miraba con susto a aquel hominicaco que le iban a dar para marido.

 

Meñique, sereno como una rosa, abrió su gran saco de cuero, metió el mango en el pico, lo puso en el lugar que marcó el rey, y le dijo: «¡Cava, pico, cava!»

 

Y el pico empezó a cavar, y el granito a saltar en pedazos, y en menos de un cuarto de hora quedó abierto un pozo de cien pies.

 

-¿Le parece a mi rey que este pozo es bastante hondo?

 

-Es hondo; pero no tiene agua.

 

-Agua tendrá-dijo Meñique. Metió el brazo en el gran saco de cuero, le quitó el musgo a la cáscara de nuez, y puso la cáscara en una fuente que habían llenado de flores. Y cuando ya estaba bien dentro de la tierra, dijo: «¡Brota, agua, brota!»

 

Y el agua empezó a brotar por entre las flores con un suave murmullo refrescó el aire del patio, y cayó en cascadas tan abundantes que al cuarto de hora ya el pozo estaba lleno, y fue preciso abrir un canal que llevase afuera el agua sobrante.

 

-Y ahora-dijo Meñique, poniendo en tierra una rodilla,-¿cree mi rey que he hecho todo lo que me pedía? [p.315]

 

-Sí, marqués Meñique-respondió el rey,-y te daré la mitad de mi reino; o mejor, te compraré en lo que vale tu mitad, con la contribución que les voy a imponer a mis vasallos, que se alegrarán mucho de pagar porque su rey y señor tenga agua buena; pero con mi hija no te puedo casar, porque ésa es cosa en que yo solo no soy dueño.

 

-¿Y qué más quiere que haga, rey?-dijo Meñique, parándose en las puntas de los pies, con la manecita en la cadera, y mirando a la princesa cara a cara.

 

-Mañana se te dirá, marqués Meñique-le dijo el rey;-vete ahora a dormir a la mejor cama de mi palacio.

 

Pero Meñique, en cuanto se fue el rey, salió a buscar a sus hermanos, que parecían dos perros ratoneros, con las orejas cortadas.

 

-Díganme, hermanos, si no hice bien en querer saberlo todo, y ver de dónde venía el agua.

 

-Fortuna no más, fortuna-dijo Pablo.-La fortuna es ciega, y favorece a los necios.

 

-Hermanito-dijo Pedro,-con orejas o desorejado creo que está muy bien lo que has hecho, y quisiera que llegara aquí papá para que te viese.

 

Y Meñique se llevó a dormir a camas buenas a sus dos hermanos, a Pedro y a Pablo.

 

IV

 

El rey no pudo dormir aquella noche. No era el agradecimiento lo que le tenía despierto, sino el disgusto de casar a su hija con aquel picolín que cabía en una bota de su padre. Como buen rey que era, ya no quería cumplir lo que prometió; y le estaban zumbando en los oídos las palabras del marqués Meñique: «Señor rey, tu palabra es sagrada. La palabra de un hombre es ley, rey».

 

Mandó el rey a buscar a Pedro y a Pablo, porque ellos no más le podían decir quiénes eran los padres de Meñique, y si era Meñique persona de buen carácter y de modales finos, como quieren los suegros que sean sus yernos, porque la vida sin cortesía es más amarga que la cuasia y que la retama. Pedro dijo de Meñique muchas cosas buenas, que pusieron al rey de mal humor; pero Pablo dejó al rey muy contento, porque le dijo que el marqués era un pedante aventurero, un trasto con bigotes, una uña venenosa, un garbanzo lleno de ambición, indigno de casarse con señora tan principal como la hija del gran rey que le había hecho la [p.316] honra de cortarle las orejas: «Es tan vano ese macacuelo-dijo Pablo-que se cree capaz de pelear con un gigante. Por aquí cerca hay uno que tiene muerta de miedo a la gente del campo, porque se les lleva para sus festines todas sus ovejas y sus vacas. Y Meñique no se cansa de decir que él puede echarse al gigante de criado.»

 

-Eso es lo que vamos a ver-dijo el rey satisfecho. Y durmió muy tranquilo lo que faltaba de la noche. Y dicen que sonreía en sueños, como si estuviera pensando en algo agradable.

 

En cuanto salió el sol, el rey hizo llamar a Meñique delante de toda su corte. Y vino Meñique fresco como la mañana, risueño como el cielo, galán como una flor.

 

-Yerno querido-dijo el rey,-un hombre de tu honradez no puede casarse con mujer tan rica como la princesa, sin ponerle casa grande, con criados que la sirvan como se debe servir en el palacio real. En este bosque hay un gigante de veinte pies de alto, que se almuerza un buey entero, y cuando tiene sed al mediodía se bebe un melonar. Figúrate qué hermoso criado no hará ese gigante con un sombrero de tres picos, una casaca galoneada, con charreteras de oro, y una alabarda de quince pies. Ese es el regalo que te pide mi hija antes de decidirse a casarse contigo.

 

-No es cosa fácil-respondió Meñique,-pero trataré de regalarle el gigante, para que le sirva de criado, con su alabarda de quince pies, y su sombrero de tres picos, y su casaca galoneada, con charreteras de oro.

 

Se fue a la cocina; metió en el gran saco de cuero el hacha encantada, un pan fresco, un pedazo de queso y un cuchillo; se echó el saco a la espalda, y salió andando por el bosque, mientras Pedro lloraba, y Pablo reía, pensando en que no volvería nunca su hermano del bosque del gigante.

 

En el bosque era tan alta la yerba que Meñique no alcanzaba a ver, y se puso a gritar a voz en cuello: «¡Eh, gigante, gigante! ¿dónde anda el gigante? Aquí está Meñique, que viene a llevarse al gigante muerto o vivo».

 

-Y aquí estoy yo-dijo el gigante, con un vocerrón que hizo encogerse a los árboles de miedo,-aquí estoy yo, que vengo a tragarte de un bocado.

 

-No estés tan de prisa, amigo-dijo Meñique, con una vocecita de flautín,-no estés tan de prisa, que yo tengo una hora para hablar contigo.

 

Y el gigante volvía a todos lados la cabeza, sin saber quién le hablaba, hasta que le ocurrió bajar los ojos, y allá abajo, pequeñito como un [p.317] pitirre, vio a Meñique sentado en un tronco, con el gran saco de cuero entre las rodillas.

 

-¿Eres tú, grandísimo pícaro, el que me has quitado el sueño? -dijo el gigante, comiéndoselo con los ojos que parecían llamas.

 

-Yo soy, amigo, yo soy, que vengo a que seas criado mío.

 

-Con la punta del dedo te voy a echar allá arriba en el nido del cuervo, para que te saque los ojos, en castigo de haber entrado sin licencia en mi bosque.

 

-No estés tan de prisa, amigo, que este bosque es tan mío como tuyo; y si dices una palabra más, te lo echo abajo en un cuarto de hora.

 

-Eso quisiera ver-dijo el gigantón.  [p.318]

 

Meñique sacó su hacha, y le dijo: «¡Corta, hacha, corta!» Y el hacha cortó, tajó, astilló, derribó ramas, cercenó troncos, arrancó raíces, limpió la tierra en redondo, a derecha y a izquierda, y los árboles caían sobre el gigante como cae el granizo sobre los vidrios en el temporal.

 

-Para, para-dijo asustado el gigante,-¿quién eres tú, que puedes echarme abajo mi bosque?

 

-Soy el gran hechicero Meñique, y con una palabra que le diga a mi hacha te corta la cabeza. Tú no sabes con quién estás hablando. ¡Quieto donde estás!

 

Y el gigante se quedó quieto, con las manos a los lados, mientras Meñique abría su gran saco de cuero, y se puso a comer su queso y su pan.

 

-¿Qué es eso blanco que comes?-preguntó el gigante, que nunca había visto queso.

 

-Piedras como no más, y por eso soy más fuerte que tú, que comes la carne que engorda. Soy más fuerte que tú. Enséñame tu casa.

 

Y el gigante, manso como un perro, echó a andar por delante, hasta que llegó a una casa enorme, con una puerta donde cabía un barco de tres palos, y un balcón como un teatro vacío.

 

-Oye-le dijo Meñique al gigante:-uno de los dos tiene que ser amo del otro. Vamos a hacer un trato. Si yo no puedo hacer lo que tú hagas, yo seré criado tuyo; si tú no puedes hacer lo que haga yo, tú serás mi criado.

 

-Trato hecho-dijo el gigante;-me gustaría tener de criado un hombre como tú, porque me cansa pensar, y tú tienes cabeza para dos. Vaya, pues; ahí están mis dos cubos: ve a traerme el agua para la comida.

 

Meñique levantó la cabeza y vio los dos cubos, que eran como dos tanques, de diez pies de alto, y seis pies de un borde a otro. Más fácil le era a Meñique ahogarse en aquellos cubos que cargarlos.

 

-¡Hola!-dijo el gigante, abriendo la boca terrible;-a la primera ya estás vencido. Haz lo que yo hago, amigo, y cárgame el agua.

 

-¿Y para qué la he de cargar?-dijo Meñique.-Carga tú, que eres bestia de carga. Yo iré donde está el arroyo, y lo traeré en brazos, y te llenaré los cubos, y tendrás tu agua.

 

-No, no-dijo el gigante,-que ya me dejaste el bosque sin árboles, y ahora me vas a dejar sin agua que beber. Enciende el fuego, que yo traeré el agua.

 

Meñique encendió el fuego, y en el caldero que colgaba del techo fue echando el gigante un buey entero, cortado en pedazos, y una carga de nabos, y cuatro cestos de zanahorias, y cincuenta coles. Y de tiempo en [p.319] tiempo espumaba el guiso con una sartén, y lo probaba, y le echaba sal y tomillo, hasta que lo encontró bueno.

 

-A la mesa, que ya está la comida-dijo el gigante;-y a ver si haces lo que hago yo, que me voy a comer todo este buey, y te voy a comer a ti de postres.

 

-Está bien, amigo-dijo Meñique. Pero antes de sentarse se metió debajo de la chaqueta la boca de su gran saco de cuero, que le llegaba del pescuezo a los pies.

 

Y el gigante comía y comía, y Meñique no se quedaba atrás, sólo que no echaba en la boca las coles, y las zanahorias, y los nabos, y los pedazos del buey, sino en el gran saco de cuero.

 

-¡Uf! ¡ya no puedo comer más!-dijo el gigante;-tengo que sacarme un botón del chaleco.

 

-Pues mírame a mí, gigante infeliz-dijo Meñique, y se echó una col entera en el saco.

 

-¡Uha!-dijo el gigante;-tengo que sacarme otro botón. ¡Qué estómago de avestruz tiene este hombrecito! Bien se ve que estás hecho a comer piedras.

 

-Anda, perezoso-dijo Meñique,-come como yo-y se echó en el saco un gran trozo de buey.

 

-¡Paff!-dijo el gigante,-se me saltó el tercer botón: ya no me cabe un chícharo: ¿cómo te va a ti, hechicero?

-¿A mí?-dijo Meñique;-no hay cosa más fácil que hacer un poco de lugar.

 

Y se abrió con el cuchillo de arriba abajo la chaqueta y el gran saco de cuero.

 

-Ahora te toca a ti-dijo al gigante;-haz lo que yo hago.

 

-Muchas gracias-dijo el gigante.-Prefiero ser tu criado. Yo no puedo digerir las piedras.

 

Besó el gigante la mano de Meñique en señal de respeto, se lo sentó en el hombro derecho, se echó al izquierdo un saco lleno de monedas de oro, y salió andando por el camino del palacio.

 

V

 

En el palacio estaban de gran fiesta, sin acordarse de Meñique, ni de que le debían el agua y la luz; cuando de repente oyeron un gran ruido, que hizo bailar las paredes, como si una mano portentosa sacudiese el mundo. Era el gigante, que no cabía por el portón, y lo había echado [p.320] abajo de un puntapié. Todos salieron a las ventanas a averiguar la causa de aquel ruido, y vieron a Meñique sentado con mucha tranquilidad en el hombro del gigante, que tocaba con la cabeza el balcón donde estaba el mismo rey. Saltó al balcón Meñique, hincó una rodilla delante de la princesa y le habló así: «Princesa y dueña mía, tú deseabas un criado y aquí están dos a tus pies».

 

Este galante discurso, que fue publicado al otro día en el diario de la corte, dejó pasmado al rey, que no halló excusa que dar para que no se casara Meñique con su hija.

 

-Hija-le dijo en voz baja,-sacrifícate por la palabra de tu padre el rey.

 

-Hija de rey o hija de campesino-respondió ella,-la mujer debe casarse con quien sea de su gusto. Déjame, padre, defenderme en esto que me interesa. Meñique-siguió diciendo en alta voz la princesa,-eres valiente y afortunado, pero eso no basta para agradar a las mujeres.

 

-Ya lo sé, princesa y dueña mía; es necesario hacerles su voluntad, y obedecer sus caprichos.

 

-Veo que eres hombre de talento-dijo la princesa.-Puesto que sabes adivinar tan bien, voy a ponerte una última prueba, antes de casarme contigo. Vamos a ver quién es más inteligente, si tú o yo. Si pierdes, quedo libre para ser de otro marido.

 

Meñique la saludó con gran reverencia. La corte entera fue a ver la prueba a la sala del trono, donde encontraron al gigante sentado en el suelo con la alabarda por delante y el sombrero en las rodillas, porque no cabía en la sala de lo alto que era. Meñique le hizo una seña, y él echó a andar acurrucado, tocando el techo con la espalda y con la alabarda a rastras, hasta que llegó adonde estaba Meñique, y se echó a sus pies, orgulloso de que vieran que tenía a hombre de tanto ingenio por amo.

 

-Empezaremos con una bufonada-dijo la princesa.-Cuentan que las mujeres dicen muchas mentiras. Vamos a ver quien de los dos dice una mentira más grande. El primero que diga: «¡Eso es demasiado!» pierde.

 

-Por servirte, princesa y dueña mía, mentiré de juego y diré la verdad con toda el alma.

 

-Estoy segura-dijo la princesa-de que tu padre no tiene tantas tierras como el mío. Cuando dos pastores tocan el cuerno en las tierras de mi padre al anochecer, ninguno de los dos oye el cuerno del otro pastor. [p.321]

 

-Eso es una bicoca-dijo Meñique.-Mi padre tiene tantas tierras que una ternerita de dos meses que entra por una punta es ya vaca lechera cuando sale por la otra.

 

-Eso no me asombra-dijo la princesa.-En tu corral no hay un toro tan grande como el de mi corral. Dos hombres sentados en los cuernos no pueden tocarse con un aguijón de veinte pies cada uno.

-Eso es una bicoca-dijo Meñique.-La cabeza del toro de mi casa es tan grande que un hombre montado en un cuerno no puede ver al que está montado en el otro.

 

-Eso no me asombra-dijo la princesa.-En tu casa no dan las vacas tanta leche como en mi casa, porque nosotros llenamos cada mañana veinte toneles, y sacamos de cada ordeño una pila de queso tan alta como la pirámide de Egipto.

 

-Eso es una bicoca-dijo Meñique.-En la lechería de mi casa hacen unos quesos tan grandes que un día la yegua se cayó en la artesa, y no la encontramos sino después de una semana. El pobre animal tenía el espinazo roto, y yo le puse un pino de la nuca a la cola, que le sirvió de espinazo nuevo. Pero una mañanita le salió un ramo al espinazo por encima de la piel, y el ramo creció tanto que yo me subí en él y toqué el cielo. Y en el cielo vi a una señora vestida de blanco, trenzando un cordón con la espuma del mar. Y yo me así del hilo, y el hilo se me reventó, y caí dentro de una cueva de ratones. Y en la cueva de ratones estaban tu padre y mi madre, hilando cada uno en su rueca, como dos viejecitos. Y tu padre hilaba tan mal que mi madre le tiró de las orejas hasta que se le caían a tu padre los bigotes.

 

-¡Eso es demasiado!-dijo la princesa.-¡A mi padre el rey nadie le ha tirado nunca de las orejas!

 

-¡Amo, amo!-dijo el gigante.-Ha dicho «¡Eso es demasiado!» La princesa es nuestra.

 

VI

 

-Todavía no-dijo la princesa, poniéndose colorada.-Tengo que ponerte tres enigmas, a que me los adivines, y si adivinas bien, enseguida nos casamos. Dime primero: ¿qué es lo que siempre está cayendo y nunca se rompe?

 

-¡Oh!-dijo Meñique;-mi madre me arrullaba con ese cuento: ¡es la cascada! [p.322]

 

-Dime ahora-preguntó la princesa, ya con mucho miedo:-¿quién es el que anda todos los días el mismo camino y nunca se vuelve atrás?

 

-¡Oh!-dijo Meñique;-mi madre me arrullaba con ese cuento: ¡es el sol!

 

-El sol es dijo la princesa, blanca de rabia.-Ya no queda más que un enigma. ¿En qué piensas tú y no pienso yo? ¿qué es lo que yo pienso, y tú no piensas? ¿qué es lo que no pensamos ni tú ni yo? Meñique bajó la cabeza como el que duda, y se le veía en la cara el miedo de perder.

 

-Amo-dijo el gigante;-si no adivinas el enigma, no te calientes las entendederas. Hazme una seña, y cargo con la princesa.

 

-Cállate, criado dijo Meñique;-bien sabes tú que la fuerza no sirve para todo. Déjame pensar.

 

-Princesa y dueña mía-dijo Meñique, después de unos instantes en que se oía correr la luz.-Apenas me atrevo a descifrar tu enigma, aunque veo en él mi felicidad. Yo pienso en que entiendo lo que me quieres decir, y tú piensas en que yo no lo entiendo. Tú piensas, como noble princesa que eres, en que este criado tuyo no es indigno de ser tu marido, y yo no pienso que haya logrado merecerte. Y en lo que ni yo ni tú pensamos es en que el rey tu padre y este gigante infeliz tienen tan pobres...

 

-Cállate-dijo la princesa;-aquí está mi mano de esposa, marqués Meñique.

 

-¿Qué es eso que piensas de mí, que lo quiero saber?-preguntó el rey.

 

-Padre y señor-dijo la princesa, echándose en sus brazos;-que eres el más sabio de los reyes, y el mejor de los hombres.

 

-Ya lo sé, ya lo sé-dijo el rey;-y ahora, déjenme hacer algo por el bien de mi pueblo. ¡Meñique, te hago duque!

 

-¡Viva mi amo y señor, el duque Meñique!-gritó el gigante, con una voz que puso azules de miedo a los cortesanos, quebró el estuco del techo, e hizo saltar los vidrios de las seis ventanas.

 

VII

 

En el casamiento de la princesa con Meñique no hubo mucho de particular, porque de los casamientos no se puede decir al principio, sino luego, cuando empiezan las penas de la vida, y se ve si los casados se ayudan y quieren bien, o si son egoístas y cobardes. Pero el que cuenta [p.323] el cuento tiene que decir que el gigante estaba tan alegre con el matrimonio de su amo que les iba poniendo su sombrero de tres picos a todos los árboles que encontraba, y cuando salió el carruaje de los novios, que era de nácar puro, con cuatro caballos mansos como palomas, se echó el carruaje a la cabeza, con caballos y todo, y salió corriendo y dando vivas, hasta que los dejó a la puerta del palacio, como deja una madre a su niño en la cuna. Esto se debe decir, porque no es cosa que se ve todos los días.

 

Por la noche hubo discursos, y poetas que les dijeron versos de bodas a los novios, y lucecitas de color en el jardín, y fuegos artificiales para los criados del rey, y muchas guirnaldas y ramos de flores. Todos cantaban y hablaban, comían dulces, bebían refrescos olorosos, bailaban con mucha elegancia y honestidad al compás de una música de violines, con los violinistas vestidos de seda azul, y su ramito de violeta en el ojal de la casaca. Pero en un rincón había uno que no hablaba ni cantaba, y era Pablo, el envidioso, el paliducho, el desorejado, que no podía ver a su hermano feliz, y se fue al bosque para no oír ni ver, y en el bosque murió, porque los osos se lo comieron en la noche oscura.

 

Meñique era tan chiquitín que los cortesanos no supieron al principio si debían tratarlo con respeto o verlo como cosa de risa; pero con su bondad y cortesía se ganó el cariño de su mujer y de la corte entera, y cuando murió el rey, entró a mandar, y estuvo de rey cincuenta y dos años. Y dicen que mandó tan bien que sus vasallos nunca quisieron más rey que Meñique, que no tenía gusto sino cuando veía a su pueblo contento, y no les quitaba a los pobres el dinero de su trabajo para dárselo, como otros reyes, a sus amigos holgazanes, o a los matachines que lo defienden de los reyes vecinos. Cuentan de veras que no hubo rey tan bueno como Meñique.

 

Pero no hay que decir que Meñique era bueno. Bueno tenía que ser un hombre de ingenio tan grande; porque el que es estúpido no es bueno, y el que es bueno no es estúpido. Tener talento es tener buen corazón; el que tiene buen corazón, ése es el que tiene talento. Todos los pícaros son tontos. Los buenos son los que ganan a la larga. Y el que saque de este cuento otra lección mejor, vaya a contarlo en Roma. [p.324]


Notas. Tomado de: José Martí. Obras Completas, Editorial de Ciencias  Sociales, La Habana, 1975, Tomo 18, pp. 293-503. Se indica la paginación -entre corchetes y resaltado en rojo- para facilitar al interesado las citas de partes del cuento.

 

Presentación del análisis en línea del cuento Meñique

 

En el primer número de La Edad de Oro de julio de 1889 aparece Meñique: un cuento de diez páginas acompañado de dos láminas, que ofrece Martí como versión -según él mismo aclara- de un cuento de magia del francés Laboulaye. Tempranamente Salvador Arias advierte que si bien Martí “…realiza una creadora labor de traductor, en ocasiones efectúa interpolaciones o variaciones muy personales, enriqueciendo el relato con algunas de esas intertextualidades cuya detección desde hace algún tiempo deleita a críticos y filólogos.” (1) Y es que esta incorporación de lo maravilloso, según aclara Elena Jorge Viera “...no lo hace Martí meramente por continuar una tradición fantaseadora en la literatura de este género ni por complacer una preexistente imaginación infantil con determinados atributos fijos sino para forjar con un sentido muy preciso determinadas verdades de otra forma.” (2) Así, entre personajes, hechos y elementos fantásticos “…hay alusiones y simbolismo de reivindicación social…” (3), como apunta Herminio Almendros, o “...denuncia del poder monárquico…” como indica José Ismael Gutiérrez, a la vez que “…elogio de la curiosidad y de la sabiduría, de lo pequeño y lo modesto como virtudes del individuo…” (4), con “…una intención envuelta en la fabula alegre: la buena fortuna que acompaña al que es inteligente, sabio en la vida…” (5), como nos dice Fryda Schultz de Mantovani. Faltaría agregar  que hay también en Meñique una exposición de tipos humanos con retratos físicos y morales que devienen en arquetipos ejemplarizantes de que lo que se logra en la vida depende en gran medida de la actitud del hombre. Adentrémonos entonces, juntos,  en el mundo mágico de Meñique.

 

El presente material tiene la intención de ofrecer un base para todo el que desee acercarse a esta versión de La Edad de Oro, poniendo en sus manos las herramientas bibliográficas necesarias, a la vez que diversos enfoques de análisis tomando como punto de partida nuestro ensayo original El Meñique de José Martí: algo más que una traducción (6), complementado con materiales de otros autores que se han acercado a esta versión martiana. El interesado encontrará aquí notas sobre la figura de Laboulaye y tendrá acceso a toda su obra literaria y filosófica incluida aquella de proyección contra el colonialismo español que sin duda  captó la atención de Martí. También se discuten algunas ideas martianas sobre la traducción y finalmente se realiza una valoración comparativa de momentos claves de ambas versiones, para lo cual hemos colocado sobre esta ventana de texto, dos ventanas superiores, también con barras desplazables, donde se pueden confrontar -línea a línea- las versiones íntegras de cada cuento: la francesa de Laboulaye en su idioma original  y la de Martí en español.  A lo largo de este trabajo se han colocado vínculos donde se puede acceder interactivamente a archivos de texto o imágenes que abren en ventanas separadas y  que contienen información básica o complementaria para la mejor comprensión de ambos cuentos o los temas con ellos relacionados.


 Del Pulgarcito de Laboulaye al Meñique de José Martí:

algo más que una traducción

 

Introducción

 

El cuento Meñique, de diez páginas, con dos láminas de Thomas Morten (1) y dividido en siete partes, apareció en el primer número de La Edad de Oro como adaptación de un cuento del francés Édouard René Lefèvre de Laboulaye. El cuento francés en cuestión es el titulado Pulgarcito (Poucinet) (7), publicado por su autor junto a otros, en su libro Cuentos azules (Contes bleus) en París, en 1864. Vale aclarar, pues ha sido motivo de confusión, que este Pulgarcito no es igual al cuento homónimo de Charles Perrault: Le Petit Poucet, publicado en 1697, del cual difiere totalmente en argumento, si bien guarda la moraleja sobre la sabiduría del pequeño personaje. El presente trabajo es una ampliación de nuestro ensayo de 1985 y tiene la intención de presentar una valoración comparativa de algunos momentos claves de la versión francesa de Laboulaye y la hispana de Martí, que pone de relieve los valores propios de la adaptación martiana. Los textos de Laboulaye han sido traducidos del francés para nuestra comparación.

 

Algunas notas sobre Laboulaye y su relación con Marti

 

En el trabajo de Boris Lukin (8) acerca de la versión martiana de El Camarón Encantado puede leerse la siguiente reseña biográfica: "Eduardo Rene Lefevre de Laboulaye (1811-1883) era un destacado periodista, pedagogo y hombre público de tendencia liberal, que se manifestaba contra la política del Segundo Imperio y por la libertad de culto, de prensa y de instrucción. Su ideal político eran los Estados Unidos de América. Fue autor de innumerables obras ..[...].. Laboulaye fue quien escribió el prólogo para el libro Reformas de las islas de Cuba y Puerto Rico del luchador por la independencia de las colonias españolas y Cónsul en París de la República de Cuba en armas Porfirio Valiente Cuevas. "

 

En el mencionado prólogo Laboulaye se manifiesta de forma clara contra el gobierno colonial español, señala el terrible sistema de opresión y explotación implantado por la metrópoli y da pleno apoyo a las demandas de los criollos. Veamos como ejemplo cuando dice: "He aquí el régimen colonial de España. Se ha definido justamente: "El despotismo militar más absoluto como sistema político, todos los horrores del mundo moral como sistema social y la explotación más sórdida como sistema económico." La sentencia puede parecer severa para aquellos que no han estudiado los hechos, pero por desgracia es y seguirá siendo justa. " (9)

 

Las referencias que encontramos sobre este autor en la obra martiana están relacionadas con la vida política y literaria francesa. En su artículo Revista Extranjera publicado en la Revista Universal de México en 1875, dice: "Después de la sesión trascendental en que se envolvía la situación futura de Francia, y en que a un punto tal de cordura llevó los ánimos la palabra a la par viva y práctica de Laboulaye... " (4:15)  

 

En su artículo en francés titulado La Semana en París escrito posiblemente en 1890 para The Sun de Nueva York, comenta:  "En esto sin duda, pensaban los generosos artistas, los esclarecidos hombres de letras que acaban de reunirse para fundar una casa de retiro y de salud donde los pobres soldados del talento, los genios ahogados, los trabajadores cansados, los escritores, los pintores gastados sin provecho en su oficio vendrán a calentar su vida trashumante al sol de la amistad. Detaille y Gérome, Laboulaye y Charles Blanc son los patrones de esta noble fundación." (15:224)

 

La figura de Laboulaye aparece relacionada frecuentemente con Norteamérica. Se conoce que dejó escrito un libro sobre la Historia de los Estados Unidos y que fue presidente del Comité de Unión Franco-Americana para la celebración del centenario de la independencia de los Estados Unidos en 1875. Martí lo menciona varias veces entre los franceses participantes en la donación de la Estatua de la Libertad a los Estados Unidos, de la cual Laboulaye era considerado como el padre. Al respecto dice Martí en una de sus Noticias de Francia desde La Opinión Nacional de Caracas, en noviembre de  1881:  "En la tarde del día 24, distinguidos americanos y franceses se reunían  en el taller de M. Gaget Gauthier, y oían las palabras profundas de Laboulaye, el francés que ama a América, y veían al Ministro de los Estados clavar solemnemente el primero de los clavos que remata la piedra primera de las planchas que ha de unir a su pedestal de dura piedra la majestuosa estatua..."  (14:180)

 

Varias facetas de este personaje pueden haber contribuido al acercamiento a su obra por parte de Martí. Laboulaye era una figura importante en el mundo político y literario francés, autor de novelas y ensayos con títulos como Estudios morales y políticos, París en América, Abdallah o La libertad religiosa, entre otros. Hombre de ideas progresistas en su tiempo y su medio, tuvo una clara proyección a favor de las causas anticoloniales cubana y puertorriqueña. Además, Laboulaye era ya famoso como creador o adaptador de narraciones infantiles. Muchos de sus cuentos aparecieron publicados en el Harpers Magazine (como Ivonne y Finnete en 1867 y El vellocino de oro, en 1868) y todos fueron recopilados y publicados en sus Cuentos azules, Ultimos cuentos azules y Nuevos cuentos azules.  En sus cuentos originales a la vez que  profundamente filosóficas, Martí halló material para expresar sus ideas sobre la desigualdad social, la decadencia de las monarquías, los tipos humanos y sus conceptos de la vida, como demostrará el cuento que analizaremos. No por gusto Laboulaye es el único autor honrado con la aparición de dos de sus trabajos en La Edad de Oro, pues además de Meñique (18:310) que lo tratamos aqui, en el número de septiembre aparece El Camarón Encantado (18:432), versión de El camarón (Lécrevisse) publicado por Laboulaye en sus Últimos cuentos azules (Derniers contes bleus) (10). 

 

Valores originales del cuento Pulgarcito

 

Un análisis detallado del cuento francés pone de manifiesto dos aspectos relevantes que pueden haber motivado la atención de Martí, bien fuera para presentarlos en su forma original, como potencialmente adaptables dentro de sus precisos y bien determinados propósitos educativos en La Edad de Oro. Son ellos, los contrastes de clases sociales implícitos en el cuento y su carácter claramente antimonárquico, y la presentación de tres tipos humanos.

 

Respecto al primer aspecto no es necesario hacer comentarios; siendo bien conocidos los propósitos de reivindicación social de La Edad de Oro es claro que cualquier tema referente a las clases sociales, y más aún, para desjerarquizar formas de gobierno autocráticas y caducas como las monarquías serían bien recibidos por Martí. En relación con el segundo aspecto: los tipos humanos, comencemos señalando que el manejo de este tema en la literatura infantil tiene importantes antecedentes en Charles Perrault (1628-1703) y al respecto Alga Marina Elizagaray señala: "Perrault es un maestro en el conocimiento y manejo del alma humana y sus altibajos; por ello es que los Cuentos trascienden el estrecho contexto monárquico feudal en que surgen como literatura. El resultado: un clásico universal para todas las edades, un muestrario de tipos humanos símbolos de virtudes y defectos fundamentales. " (11)

 

Esta línea es continuada por el también francés Laboulaye, quien en su cuento Pulgarcito presenta tres actitudes diferentes ante la vida en sus tres personajes principales: Pedro, Pablo y Pulgarcito, cuyas cualidades físicas están en plena concordancia con sus cualidades morales, y su actuación y destino final en el cuento está en justa relación con lo que representan.

 

Una breve síntesis de algunos instantes de cada personaje en el cuento francés es bien demostrativo de ello. Pulgarcito es "malicioso y blanco como una mujer". Está siempre activo, investigándolo todo y queriendo saber el porqué de todas las cosas. Su insaciable interés de conocimientos lo  lleva a descubrir los elementos encantados (el hacha, el pico y la cáscara de nuez) que le permitirán vencer las pruebas impuestas por el gigante. Se preocupa por sus hermanos cuando gana el favor del monarca, a pesar de la actitud de éstos. Con su astucia vence al gigante y las pruebas de la princesa con la cual logra casarse. Sucede a su suegro en el trono y se ganó el cariño y el respeto de su esposa y la corte entera con su talento y bondad.

 

Pedro es "gordo, grande, colorado y estúpido". Ante el interés de Pulgarcito de saberlo todo insiste en que no se esfuerce por gusto, que no vale la pena, pero no es despectivo con su pequeño hermano aunque por su falta de criterio secunda a su hermano Pablo en sus burlas. Sin embargo, en el fondo es un personaje noble, reconoce y se alegra de los éxitos de Pulgarcito ante las pruebas del rey y habla muy bien de éste al monarca. Cuando su hermano parte al bosque del gigante, él queda llorando, pero no es capaz de acompañarlo. Este hecho ocurre al inicio de la cuarta parte del cuento y es esta la última vez que se menciona a Pedro. Así acaba el personaje, no hay nada destacable al final de su vida en concordancia con su actitud pasiva e indiferente.

 

Pablo es "flaco, cetrino, envidioso y perverso". Ante el afán de conocimientos de Pulgarcito es despectivo y grosero. No reconoce sus éxitos al vencer las pruebas impuestas por el rey y es quien sugiere al deshonesto monarca que envíe a Pulgarcito a buscar al gigante, para de esta forma  librarse de él. Al inicio de la cuarta parte del cuento se menciona a este personaje que queda riendo cuando su hermano parte al bosque del gigante, y solo vuelve a aparecer al final de la séptima parte, feliz de ser sordo y deseando además ser ciego para no ver no oír la felicidad de su hermano menor. Su final es terrible en justa consecuencia con su actitud egoísta y envidiosa: se fue al bosque para no compartir la felicidad  ajena y los osos se lo comieron.

 

Este hecho no fue pasado por alto por Martí, quien quizás consideró valioso este cuento para llevar a los niños tres actitudes ante la vida y lo que es más importante, cómo lo que se obtiene está en justa concordancia de como se actúe. Más aún, esta generalización sobre los tipos humanos coincide con lo que al respecto aparece numerosas veces en distintas partes de la obra martiana. Comencemos con sus notas sobre el libro Registro  de las facultades de la familia del inglés Francis Salten, publicadas en La América, de Nueva York, en mayo de 1884. Criticando este libro, que hiperboliza el valor del factor hereditario en las cualidades de la descendencia, dice Martí:

 

"Observando a los hombres, se ve que no es cada uno una entidad definitivamente aislada y con un carácter exclusivo, que venga a ser una combinación original de los elementos humanos comunes; sino un tipo de una de las varias especies en que los hombres se dividen según exista en ellos dominante el amor de sí, o no exista, o coexista con el amor a  los demás, y según, de los accidentes usuales que influyen en los hombres, les haya tocado vivir entre algunos determinados que en personas de cierta manera constituidas han de  producir una conocida impresión cierta. La gran división que pone de un lado a unos seres humanos y conserva a otros, como ornamentos; de otro lado, es la división entre aquellos que viven exclusivamente para su propio beneficio y el pequeño grupo de seres que dependen directamente de ellos, egoístas estos últimos en grado menor y con circunstancia atenuante; y aquellos a quienes más que el propio bien, o tanto por lo menos, preocupa el bien de los demás. El avaro es el tipo esencial del egoísta; el héroe es el tipo esencial del altruista." (15:395)

 

Para Martí, hábil conocedor de la naturaleza humana hay bien deslindados dos tipos humanos según sus actitudes: los egoístas y los altruistas; y un tipo intermedio cuya denominación, dada por él mismo veremos más adelante. La misma idea de los dos tipos humanos se repite en su  artículo sobre El General Grant, publicado en La Nación de Buenos Aires, en septiembre de 1885, cuando dice:

 

"Mirando bien se observan dos especies de hombres en perpetua lucha; los que arrancan de la Naturaleza, pujantes y genuinos, activos y solitarios .[...]. y los hombres amoldados a la convención, que ocultan su espíritu como un pecado, que defienden y contribuyen a lo establecido, que viven acomodados y dichosos..." (1:89)

 

Igualmente representativas son sus palabras tomadas de un fragmento de un discurso en elogio a Santo Domingo: "Tiene el mundo dos razas, parecida a los insectos la una, la de los egoístas; resplandeciente como si en sí llevara luz la otra, la de los generosos..." (7:308)

 

O estas de sus cuadernos de apuntes: "Así se dividen los hombres, en generosos, que emplean sus talentos en bien ajeno, y en egoístas, que los emplean en realizar como primer objeto su propia persona." (22:51)  "La cuestión de la vida está reducida a una simple frase: o hacer víctimas, o serlo. Los hombres se agrupan según tiendan a hacerlas -egoístas; o serlo -mártires: o a hacerlo y serlo modestamente sin crueldad ni abnegación señaladas -indiferentes." (21:5)

 

Vemos aquí la denominación de su tipo "intermedio": indiferente, con lo que junto al egoísta en un extremo y el generoso en otro, quedan claras las ideas martianas sobre la división de los hombres según sus actitudes. Estos criterios, vinculados con las actitudes que manifiestan los tres personajes del cuento Pulgarcito, según vimos, nos llevan a pensar que Martí vió encarnado en Pulgarcito al tipo generoso, el egoísta en Pablo y el indiferente en Pedro.

 

Parece aseverar nuestro criterio el hecho de que el propio Martí, como demostraremos en nuestro análisis, añade a su versión española nuevos elementos, y modifica otros, para perfilar más aun la naturaleza humana de cada personaje en concordancia con el tipo que representa. Finalmente es justo aclarar que independientemente de los elementos educativos adaptables a sus fines, el cuento de Laboulaye es indiscutiblemente atractivo y original, hecho importante que tampoco soslayaría el Maestro.

 

 Algunas ideas martianas sobre la labor de traducción

 

En una de sus notas periodísticas para La Opinión Nacional en enero de 1882, Martí expresa: "No traduce bien sino aquel que, por un señalado favor de la naturaleza, tiene el don de reproducir en la mente la época en que el autor traducido escribió la vida íntima del autor, o aquel que tiene los mismos tamaños y gustos del escritor a quien traduce." (23:139)

 

En el prólogo de su traducción del libro Misterio de Hugh Conway, publicado por la Compañía Appleton de Nueva York, en 1886, expresa: "El traductor del libro solo tiene una palabra que decir, en cuanto al lenguaje. Traducir no es a su juicio, mostrarse a sí propio a costa del autor, sino poner en palabra de la lengua nativa al autor entero, sin dejar ver en un solo instante la persona propia." (24:40)

 

Particularmente aclarantes de sus opiniones de esta faena son sus notas introductorias del libro Mis hijos de Victor Hugo , publicada en una edición especial de la Revista Universal de México, en marzo de 1875. En ellas dice: "Traducir es transcribir de un idioma a otro. Yo creo más, yo creo que traducir es transpensar...[...]... El deber del traductor es conservar su propio idioma ...[...]. Traducir es estudiar, analizar, ahondar..." (24:16)

 

Y finalmente, no conforme con la simple traducción de algunas palabras claves del texto en francés, las cita, junto a una extensa explicación del significado muy particular con que Víctor Hugo las empleara, aclarando: "Salve la explicación lo que el castellano no ha podido salvar." (24:19)

 

 Con estas breves notas hemos querido señalar algo que no puede soslayar el que pretenda investigar una obra traducida por el Maestro; que Martí fue, como en todos los aspectos de su vida un traductor sobresaliente con sus propias y muy particulares convicciones sobre la materia. Es por ello que al comparar la obra original de Laboulaye con la traducida por Martí, y evaluar sus diferencias, consideramos que estas podían ser de dos tipos:

 

Tipo 1. Aquellas que, aunque sustanciales en forma, no variaban el contenido de la información traducida y fueron  consideradas la manera muy especial en que Martí expresó la  idea original, según sus criterios de lo que debía ser una traducción.

 

Tipo 2. Aquellas debidas, no solo a una mera interpretación de lo traducido, sino al interés manifiesto de restar ideas que quizás no se compartían, o que no encajaban ni con los propósitos de la versión traducida ni con el público al cual estaba destinada, o al interés de incorporar ideas nuevas que modificaran, reforzaran o añadieran nuevas enseñanzas al cuento, o contribuyeran a su calidad literaria.

 

Estas últimas constituyeron el objetivo fundamental de nuestra investigación pues son las que principalmente reflejan los altísimos valores de la adaptación martiana que brinda una versión apropiada al público infantil latinoamericano. Para que queden claros los dos tipos de variaciones a que nos referimos, citemos como ejemplo el párrafo que inicia la séptima parte de ambos cuentos. Dice Laboulaye:

 

"Contar las bodas de la princesa y Pulgarcito sería cosa inútil, todas las bodas se parecen sin que haya más diferencia que la de los días siguientes." (129)

 

Y Martí traduce:

 

"En el casamiento de la princesa con Meñique no hubo mucho de particular, porque de los casamientos no se puede decir nada al principio sino luego..." (18:323)

 

Este es el caso señalado como Tipo 1 en el cual, aunque existe un cambio evidente en la forma, no se varia el contenido de la información  traducida pues ambas expresan lo que hay de común en todas las bodas: la ceremonia, y lo que las diferencia: su desenvolvimiento futuro. Sin embargo, si continuamos analizando ambos párrafos vemos entonces una diferencia del Tipo 2 cuando  Martí añade:

 

" ...no se puede decir nada al principio sino luego, cuando empiezan las penas de la vida, y se ve si los casados se ayudan y quieren bien o si son egoístas o cobardes." (18:323)

 

Es indiscutible que una idea que Laboulaye solo había sugerido es ampliada por Martí independientemente del propósito de la traducción dando así al niño, por usar sus propias palabras un concepto de la vida, en este caso relacionado con el matrimonio acerca  de lo cual hay numerosas alusiones en sus cuadernos de apuntes además de su propia y triste experiencia conyugal.

 

COMPARACION DE AMBOS CUENTOS

 

Título

 

Laboulaye

Martí

   

Pulgarcito

Cuento finlandés (p.99)

Meñique

(del francés, de Laboulaye)

"Cuento de magia, donde se relata la historia del sabichoso Meñique, y se vé que el saber vale más que la fuerza. " (18:310)

 

Las primeras diferencias las encontramos desde el título. Laboulaye titula su cuento Poucinet, que puede traducirse como el de Perrault: Pulgarcito, y aclara su procedencia. En el cuento martiano se mantiene la alusión a los dedos de la mano pero cambia por el meñique,  posiblemente interesado en diferenciarlo de los cuentos ya existentes, tanto las dos versiones francesas como las numerosas versiones hispanas que ya se habían derivado del cuento de Perrault. También puede haberle parecido más lógico referirse al meñique que estrictamente hablando es realmente el menor dedo de la mano. A continuación, junto a un breve anticipo de la moraleja del cuento, aclara que se trata de un "cuento de magia" para justificar así toda la fantasía que va a presentar y diferenciarla de la "magia" de sus otros artículos, recordemos que La Edad de Oro se inicia diciendo: ‘Les hablaremos de todo lo que se hace en los talleres, donde suceden cosas mas raras e interesantes que en los cuentos de magia, y son magia de verás, más linda que la otra." (18:301-302)

 

PARTE I

Inicio del cuento

 

Laboulaye

Martí

   

"Había una vez un campesino que tenía tres hijos: Pedro, Pablo y Juan." (p.99)

"En un país muy extraño vivió hace mucho tiempo un campesino que tenía tres hijos: Pedro, Pablo y Juancito." (18:310)

 

El comienzo de ambos cuentos es el clásico, solo que Martí,  como preludio de lo que el niño va a encontrar añade que los acontecimientos  ocurren "en un país muy extraño". Al respecto nos dice Herminio Almendros: “No es descaminado pensar que Martí puso su intención en desvirtuar la influencia que las imágenes y sucesos mágicos pudieran ejercer en el espiritu de sus pequeños lectores. Y se valió para ello de la forma y el estilo, en los que se ve que el autor habla por pura broma inventada y sin creer  en  los prodigios que cuenta." (12)

 

Presentación de los personajes

 

Laboulaye

Martí

   

"Pedro era grande, gordo, colorado y estúpido; Pablo era flaco, cetrino, envidioso y perverso; Juan estaba lleno de malicia y era blanco como una mujer, pero tan pequeño que se hubiera escondido en las grandes botas de su padre: por eso lo habían nombrado Pulgarcito." (p.99)

"Pedro era gordo y grande, de cara colorada, y de pocas entendederas; Pablo era canijo y paliducho, lleno de envidias y de celos; Juancito era lindo como  una mujer, y más ligero que un resorte, pero tan chiquitín que se podía esconder en una bota de su padre. Nadie le decía Juan, sino Meñique." (18:310)

 

La presentación de los tres personajes es sumamente importante, pues siguiendo la idea de Laboulaye, Martí los retrata física y moralmente, dando desde el inicio sus tres tipos bien diferenciados. En el caso de Pedro, el indiferente, sustituye "estúpido" por "de pocas entendederas", término éste que da un carácter más humano al personaje que, como veremos, carece más de inteligencia que de buenas intenciones. En Pablo sí se mantiene toda la crudeza de los calificativos aunque sustituidos por otros; y  en Meñique sustituye "lleno de malicia" y "blancura de mujer" por "lindo" y "ligero". Además modifica el estilo de Laboulaye de los calificativos seguidos de comas, por la combinación en pares de los adjetivos sueltos, o en frases cortas.  Una vez presentados los personajes ambos cuentos narran la pobre situación del hogar del campesino y las valoraciones sobre la partida al extranjero son diferentes en ambos autores.

 

Laboulaye

Martí

   

“En el extranjero -les decía- no es fácil ganar el pan, pero hay; mientras que aquí lo que les puede suceder de más felicidad es morir de hambre.” (p.100)

"Les dolió el corazón de dejar solo á su padre viejo, y decir adiós para siempre á los árboles que habían sembrado, á la casita en que habían nacido, al arroyo donde bebían el agua en la palma de la mano." (18:310)

 

Martí sabía muy bien lo que significaba ganarse el pan en "el extranjero, por todas partes vacío e inseguro..." (3:196), por lo que además de eliminar este párrafo, lo sustituye por otro que da  una idea contraria: la nostalgia de quien se ve precisado a abandonar su tierra con todo lo querido que debe dejar en ella. La alusión al arroyo, que no menciona Laboulaye, puede guardar relación con la lámina 7 del cuento francés que tiene como pie: "Cada uno comenzó a beber en la palma de la mano" y se ve a los tres hermanos agachados bebiendo en el arroyo.

 

Viene a continuación en el cuento de Laboulaye, y se mantiene en el de Martí, la primera alusión a los contrastes de clases, pues tras describir la situación de extrema pobreza del campesino, Laboulaye dice: “Como a una legua de la  cabaña tenía el rey del país su palacio; un magnífico edificio todo de madera con veinte balcones tallados y seis ventanas de cristal." (p.100)

 

A partir de aquí en que se presenta el palacio real y se narra el acontecimiento fantástico que da curso al cuento: el surgimiento de  la tiera de un inmenso árbol encantado que dejó a oscuras  el palacio  real, la traducción de Martí es prácticamente textual. Dentro de ello volveremos a encontrar una diferencia cuando al hablar de la recompensa del rey sustituye el tipo de moneda y  en vez de "escudo" nombre de las antiguas monedas de oro, dice  "pesos", nombre de moneda más afín a sus lectores.

 

Continúa el cuento ahora narrando como además de la situación del árbol, no había agua en el palacio real por estar enclavado en una roca. En esta parte vemos una diferencia en la traducción cuando Laboulaye se refiere al capricho real:

 

Laboulaye

Martí

   

"El rey se había metido estas dos cosas en la cabeza y no quería ceder. Con ser solo un pequeño príncipe, no era menos testarudo que un emperador de China. Es el privilegio del cargo." (p.101)

"Los reyes son caprichosos, y este reyecito quería salirse con su gusto." (18:311)

 

La alusión crítica de Laboulaye es más directa; Martí elimina algunas palabras y aunque en lo traducido refleja la misma idea acude, al decir de Herminio Almendros, "al comentario accidental y como de pasada" (13). A continuación se habla igualmente en ambos cuentos del edicto real, pero al referirse a la recompensa ofrecida, difieren en dos aspectos importantes:

 

Laboulaye

Martí

   

"La princesa era bella como el día, la mitad de un reino no es de desdeñar nunca; había allí con que tentar a más de un ambicioso. Así, de Suecia y de Noruega, de Dinamarca y de Rusia, de las islas y los continentes vinieron una multitud de robustos obreros..." (p.101)

"Las tierras eran de lo mejor para sembrar, y la princesa tenía fama de inteligente y hermosa; así es que empezó á venir de todas partes un ejército de hombres forzudos, con el hacha al hombre y el pico al brazo." (18:311)

 

En primer lugar vemos el único y verdadero valor que concede Martí al reino: tierras útiles para sembrar, y en cuanto a la princesa antepone "inteligente" a "bella". Asimismo, elimina toda alusión geográfica posiblemente interesado en no remitir su cuento a un contexto determinado.

 

PARTE II

 

El inicio de esta segunda parte es diferente en ambos cuentos:   

 

Laboulaye

Martí

   

"Un día que en el país se había hablado mucho de este asunto que trastornaba todas las cabezas, los tres hermanos se preguntaron porque, si su padre lo consentía, no iban ellos también a  tentar la fortuna. Con triunfar no contaban apenas, y no pretendían ni a la princesa ni a la mitad del reino; pero ¿quien sabía si no encontrarían en otra parte una buena plaza un buen amo? Era todo lo que necesitaban." (p.102)

"Los tres hijos del campesino oyeron el pregón, y tomaron el camino del palacio, sin creer que iban á casarse con la princesa, sino que encontrarían entre tanta gente algun trabajo." (18:311)

 

Como aspectos generales pueden señalarse que en la versión  martiana se eliminan la preocupación general por el asunto del árbol encantado, el pesimismo de los hermanos ante las posibilidades de triunfo, su interés de encontrar "un buen trabajo y un buen amo", así como la expresión conformista respecto a sus necesidades. Al referirse ahora a los tres hermanos en marcha hacia al palacio las narraciones difieren:       

 

Laboulaye

Martí 

   

"Mientras caminaban, Pulgarcito corría a lo largo del camino, iba y venía como un perro de caza, mirándolo todo, estudiándolo todo, escudriñando en todas partes. Moscas, hierbas, guijarros, nada escapaba a sus ojos de ratón." (p.102-103)

"Los tres iban anda que anda, Pedro siempre contento, Pablo hablándose solo, y Meñique saltando de acá para allá, metiéndose por todas las veredas y escondrijos, viéndolo todo con sus ojos brillantes de ardilla." (18:311)

 

En primer lugar, vemos aclaramente el interés martiano  por deslindar  con mayor visión humana la naturaleza de cada personaje. Para  ello añade  dos breves líneas al inicio, que no aparecen en el cuento de Laboulaye, cuando dice: "Pedro siempre contento", lo que  refuerza la naturaleza despreocupada de este personaje que recordemos responde al tipo indiferente; "Pablo hablándose solo", lo que indudablemente reitera el carácter egoísta del tipo que  encarna. En cuanto a Meñique, si bien se mantiene la idea de su  vivacidad e  interés de conocimiento, elimina los calificativos  "perro  de caza"  y "ojos de ratón" y los sustituye por "ojos  brillantes  de ardilla".

 

En lo que resta de esta parte del cuento la traducción se mantiene  prácticamente idéntica. Igualmente se mantiene,  posiblemente por  su valor original, el esquema de acontecimientos  que  narra Laboulaye  pues en la fantasía del mismo hay  valiosos  elementos filosóficos, que por otra parte ayudan a delimitar aun más a  los tipos humanos. La secuencia de acontecimientos es la siguiente:    

 

Se oye o se ve "algo" perceptible por todos pero solo Pulgarcito se interesa.

Pedro le aconseja que desista, que no vale la pena.

Pablo lo reprende y lo insulta, burlándose de su interés.

Pulgarcito parte a descubrir el objeto de su interés.

Descubre los elementos encantados y éstos le plantean que estaban "esperando   por él".

Pulgarcito se identifica enseguida con ellos y "los hace suyos", 

Regresa con la alegría propia del que ha descubierto algo útil por sí mismo.

Sus hermanos preguntan.

Pablo vuelve a regañarlo y  ofenderlo.

Pedro  le repite lo innecesario de su esfuerzo

Pulgarcito da  respuestas  formales  que dejan satisfechos a  sus  hermanos y guarda para sí el verdadero secreto.

     

Veamos como ejemplo la primera secuencia de hechos en el cuento de Laboulaye, cuando se escucha el ruido del hacha:

 

"Haciendo  camino, entraron en un gran bosque de  abetos  que cubría  una  montaña. En lo alto escucharon el  ruido de un hacha, un crujido de ramas que caían.

-Me sorprende tanto que alguien derribe árboles en la  cresta de una montaña, dijo Pulgarcito.

-  Y a mi me sorprendería  que  tu  no  te  sorprendieras,  respondió Pablo en un tono seco. Todo es maravilloso para los  ignorantes.

-¡Hijo! se diría que tu no has visto nunca un leñador, añadió Pedro golpeando la mejilla de su pequeño hermano.

- Es igual, dijo Pulgarcito, tengo curiosidad de ver que pasa  allá en lo alto.

- Ve, dijo Pablo, cánsate, eso te servirá de lección  pequeño vanidoso que quiere saber más que sus hermanos mayores.

Pulgarcito  apenas se inquietó por las  advertencias;  trepó, corrió,  escuchando de donde venía el ruido y se  dirigió en esa dirección. Cuando llegó a lo alto de la montaña  ¿qué   creen  ustedes  que  encontró? Un hacha encantada,  que totalmente sola y por su gusto cortaba un pino de  los  más grandes.

- Buenos días, Señora Hacha, dijo Pulgarcito. ¿No está  usted aburrida de estar aquí tan sola cortando ese viejo árbol?

-Hace  muchos  años  que te espero, hijo  mio,  respondió  el hacha.

-Pues bien, aquí estoy, respondió Pulgarcito.

Y  sin asombrarse de nada, tomó el hacha, la metió dentro  de su gran saco de cuero y descendió alegremente.

-¿Qué  maravilla vio allá en lo alto el  señor  sorprendido? dijo Pablo mirando a Pulgarcito con aire desdeñoso.

-Era el hacha que oíamos, respondió el niño.

- Te lo dije, reprochó Pedro, hete ahí sudando por nada;  hubieras hecho mejor en quedarte con nosotros. " (p.103-105)

 

Aunque  estos hechos se repiten casi de la misma forma  en  ambos cuentos, vemos sin embargo algunas diferencias. En el de Laboulaye, al aparecer los elementos encantados Pulgarcito, segun  vimos en  la cita anterior, dice siempre: "Me sorprende tanto  que...", lo que es sustituido por Martí con: "Yo quisiera saber porque  (o quien, o donde)...", o sea que modifica la idea de  sorpresa por otra más directa: quiero saber.

 

Otro  aspecto interesante es la pregunta que se formula cuando Pulgarcito llega a donde están los elementos  encantados,  y que puede verse en la cita de la secuencia de acontecimientos: ¿Y que creen  ustedes que encontró? Martí la sustituye por: "¿Y qué encontró Meñique en lo alto del monte?" La  interrogante de Laboulaye es hecha como por alguien que se encuentra efectivamente  narrando un cuento y de esta forma crea una cierta distancia entre el narrador y el lector. Martí, junto a sus pequeños lectores de introduce en el cuento y entre ellos pregunta, de modo tal que  parece  que él mismo desconoce qué es lo que ha encontrado Meñique.

 

Además, cuando Meñique ha descubierto los elementos encantados  y regresa, Laboulaye repite en los tres casos: "descendió alegremente", pero Martí materializa la alegría detrás del gran descubrimiento y tras el encuentro con el hacha encantada, dice: “…bajó el monte, brincando y cantando"(18:312), al descubrir el pico encantado “…bajó por aquellas piedras, retozando y cantando” (18:313) y tras el hallazgo de la cáscara de nuez de la cual brotaba agua “…se volvió por donde vino, saltando y cantando.” (18:314). Este sentimiento aparecerá en otros trabajos de La Edad de Oro y nunca mejor reflejado que en Cuentos de elefantes, donde el extraordinario acontecimiento paleontológico que supuso el hallazgo de los restos completos de un mamut por el cazador tungú Ossip Shumachov, lo recrea Martí en un preámbulo lleno de  sonoridad y luz: “Y el pescador iba cantando un cantar, en su vestido de piel, asombrado de la mucha luz, como si estuviese de fiesta en el aire un sol joven. El aire chispeaba. Se oían estallidos, como en el bosque nuevo cuando se abre una flor. De las lomas corría, brillante y pura, un agua nunca vista.” (18:486).”

 

Finalmente veremos algo que se repetirá también en otras  partes; la eliminación de las alusiones religiosas. Así por ejemplo, ante el interés de Pulgarcito de conocer el origen del arroyo, dice el hermano: "Usted verá, dijo Pablo, que un día de estos este impertinente dará una lección al buen Dios en persona, Señor sorprendido ¿no sabe aún que los manantiales salen de la tierra?" (p. 107); y Martí traduce: "¡Grandísimo pretencioso, -dijo Pablo,- que en todo quiere meter la nariz! ¿No sabes que los manantiales salen de la tierra?" (18:313).  En Lécrevisse (El Camarón), también de Laboulaye y versión original de El Camarón Encantado, Boris Lukin comenta al comparar ambos textos: "Martí depura el cuento de las comparaciones bíblicas ..[…].. introducidas por Laboulaye (por ejemplo, "Loppi era como Jehová"; ..[…].. excluye completamente "gloria a Dios" y "gracias a Dios"" (14)

 

PARTE III

 

En esta parte ambas versiones cuentan de igual forma cómo a la llegada de los tres hermanos al palacio nadie había podido derribar el árbol ni abrir el pozo. Una diferencia la vemos al mencionar el cartel real que ofrecía la recompensa: 

 

Laboulaye

Martí

   

"…a cualquiera que, noble, burgués o campesino que ejecutara las dos cosas..." (p.108)

"…a quienquiera que cortase el roble y abriese el pozo, fuera señor de la corte, ó  vasallo acomodado, ó pobre campesino. " (18:314)

 

Nótese como Martí refuerza la alusión de clases sociales dejando bien claro que el "señor" pertenece a la corte, que el "vasallo" es acomodado y que el "campesino" es siempre pobre.

 

Más adelante, una vez que los dos hermanos no han podido derribar el árbol, les han cortado las orejas por ello, toca el turno al más pequeño y el rey ordena que lo echen, la respuesta de éste es diferente en ambos cuentos.

 

Laboulaye

Martí

   

"¡Perdón Majestad! dijo Pulgarcito, un rey no tiene más que su palabra..." (p.110)

"Señor rey, tu palabra es sagrada. La palabra de un hombre es ley, señor rey. " (18:315)

 

O sea que a través de las palabras de Meñique, Martí coloca al rey en su verdadero nivel humano al igualar su palabra a la de cualquier hombre, a la vez que señala el valor de la  palabra empeñada. Por otra parte, durante las conversaciones con el rey la forma en que se expresa Pulgarcito es algo servil, no asi Meñique que incluso llega a tutear al rey, y sin dejar de ser cortés, ni propasar  las distancias de clase que necesariamente debe mantener, no entra en frases de adulación. Esta actitud está mas acorde con el tipo humano que representa. Veamos algunos fragmentos de los diálogos:

         

Laboulaye

Martí

 

 

"¿Está satisfecha Vuestra Majestad de su fiel esclavo? –dijo" (p.111)

 

 

"Que Vuestra Majestad tenga a bien indicarme el lugar que le conviene, dijo Pulgarcito: yo probaré  una vez más  de  ser agradable a mi soberano." (p.111)

 

"¿Digáme el rey ahora  dónde quiere que le abra el pozo  su criado?" (18:315)

"Vuestra Majestad, dijo Pulgarcito, saludando al rey ¿encuentra Usted que éste pozo sea bastante hondo?" (p.111)

 

"¿Le parece a mi rey que este pozo es bastante hondo?" (18:315)

 

"Sí  cierto, dijo el rey;  pero le falta el agua. " (p.112)

 

"Es hondo; pero no tiene agua." (18:315)

"Que Vuestra Majestad me conceda un minuto, dijo  Pulgarcito y  su justa  impaciencia  será satisfecha." (p.112)

 

"Agua tendrá, dijo Meñique." (18:315)

"Señor, dijo Pulgarcito poniendo  una rodilla en tierra delante del trono real, ¿encuentra Vuestra Majestad  que  he cumplido sus condiciones?" (p.113)

 

"Y ahora -dijo Meñique poniendo en tierra una rodilla -¿cree mi rey que he hecho todo lo que me pedía?" (18:315)

"Sí Marqués Pulgarcito, respondió el rey; yo estoy presto a cederte la mitad de mi  reino, o a pagarte el precio, por medio de un impuesto que mis fieles vasallos estarán  felices de pagar; pero darte a la princesa y llamarte mi  yerno, es asunto que no depende de mi solo." (p.113)

 

"Sí, Marqués Meñique, respondió el rey; y te daré la mitad de mi reino; o mejor te  compraré en lo que vale tu mitad, con la contribución que les voy á imponer á mis vasallos, que se alegrarán mucho de pagar por que su rey y señor tenga agua buena; pero con mi hija no te puedo casar, porque esa es cosa en que yo solo no soy dueño." (18:316)

 

"¿Qué hace falta hacer? preguntó orgullosamente  Pulgarcito, poniendo el puño en la cadera y mirando a la princesa."  (p.113)

"¿Y qué más quieres que haga rey? -dijo Meñique, parándose en las puntas de los pies, con la manecita en la cadera, y mirando á la princesa cara á cara. " (18:316)

 

Nótese como Pulgarcito dice siempre "Vuestra Majestad" y lo rodea con frases de adulación. Las respuestas de Meñique son directas y secas e incluso al final trata al soberano con extrema confianza, molesto por sus evasivas. Deben destacarse también las actitudes que van personificando al monarca y mostrando su verdadera  naturaleza caprichosa y mezquina.

 

Además vemos nuevamente la eliminación de las alusiones  religiosas al referirse al momento en que el pequeño va a abrir el pozo en presencia del rey, la princesa y la corte:          

 

Laboulaye

Martí

 

 

..la princesa se puso un poco más bajo que su padre y comenzó a mirar con cierta inquietud  al pequeño marido que el cielo le enviaba. (p.112)

…la princesa tenía su silla en un escalón bajo,  y miraba con susto á aquel hominicaco que le iban á dar por marido. (18:315)

 

Al final de esta parte se pone de manifiesto la generosidad del pequeño que se ocupa de sus dos hermanos, aunque Pablo, en concordancia con lo que es de esperar de él, no reconoce sus éxitos; a diferencia de Pedro, que como señalamos si bien es un personaje con una actitud pasiva encierra en el fondo un corazón noble.

 

PARTE IV

 

En el inicio de la cuarta parte se observan interesantes diferencias:

 

Laboulaye

Martí

 

 

"Entrados en sus habitaciones el rey no dormía. Un yerno como Pulgarcito no le complacía mucho; Su Majestad buscaba la manera de como podía no sostener su palabra sin  parecer que había faltado a ella. Para la gente honesta es  una tarea difícil; puesto entre su honor y su interés jamás un pícaro duda. Precisamente por eso es que era un pícaro." (p.114-115)

El Rey no pudo dormir aquella noche. No era el agradecimiento lo que le tenía despierto, sino el disgusto de casar á su hija con aquel  picolín que cabía en una bota de su padre. Como buen rey que era, ya no quería cumplir lo que prometió; y le estaban zumbando en los oidos las palabras del Marqués Meñique: "Señor rey, tu palabra es sagrada. La palabra  de un hombre es ley, rey." (18:316)

 

Las palabras de Laboulaye, como ya habíamos observado son aleccionadoras; detienen por un instante el hilo del cuento para dar una lección. La traducción martiana es más fluida, sin carácter explícito de  lección y reforzada además por algunos elementos nuevos sobre la personalidad del monarca. A continuación, cuando el rey decide llamar a los hermanos para indagar sobre el pequeño, los cuentos difieren:

 

Laboulaye

Martí

   

"En su ansiedad, el rey mandó a llamar a Pedro y a Pablo, solo los dos hermanos podían hacer le conocer el origen, el carácter y las costumbres de Pulgarcito. " (p.115)

 

"Mandó el rey á buscar á Pedro y á Pablo, porque ellos no más le podían decir quienes eran los padres de Meñique, y si era Meñique persona de buen carácter y de modales finos, como quieren los suegros que sean sus  yernos, porque la vida sin cortesía es mas amarga que la cuasia y que  la retama."  (18:316)

 

La idea es la misma en ambos cuentos, solo que Martí añade al final un breve  concepto de la vida, en este caso sobre la educación.  Los comentarios de ambos hermanos también son diferentes:

 

Laboulaye

Martí

 

 

"Pedro hizo elogios de su pequeño hermano, lo que encantó a medias a su Majestad; Pablo puso al rey más satisfecho probándole que Pulgarcito no era más que un aventurero, y que sería ridículo que un gran príncipe se creyera obligado con un villano." (p.115)

 

"Pedro dijo de Meñique muchas cosas buenas, que pusieron al rey de mal humor; pero Pablo dejó al rey muy contento, porque le dijo que el marqués era un pedante aventurero,  un trasto con bigotes, una  uña venenosa, un garbanzo lleno de ambición, indigno de casarse con señora tan principal como la hija del gran rey que le había hecho la honra de cortarle las orejas. " (18:316)

 

Martí aprovecha la idea de Laboulaye para añadir nuevos elementos que continuarán reforzando la naturaleza de sus tipos humanos. En el caso de Pedro, dice prácticamente lo mismo, lo que mantiene lo que ya conocemos acerca de la naturaleza del personaje; pero en el caso de Pablo añade a sus palabras sobre Meñique el calificativo "pedante aventurero", así como tres frases más que no dejan de dar  cierta nota de humor al texto y acentúan la naturaleza perversa y mal intencionada del envidioso Pablo; quien salvando las distancias de clase es el más afín al deshonesto monarca que en definitiva no es más que un egoísta con poder. Tras la conversación dice el soberano:

 

Laboulaye

Martí

 

 

"Eso es lo que nosotros veremos, dijo el rey. Dicho esto despidió a los dos hermanos, y durmió tranquilamente." (p.115)

"Eso es lo que vamos á ver,-dijo el rey satisfecho. Y durmió muy tranquilo lo que faltaba de la noche. Y dicen que sonreía en sueños, como si estuviera pensando en algo agradable. " (18:316)

 

La última parte adicionada por Martí continúa añadiendo elementos desfavorables sobre la personalidad real. La narración que sigue vuelve a ser prácticamente textual pero en las  respuestas del pequeño, ante la petición del rey de buscar al gigante, hay algunos cambios que ilustran lo ya señalado acerca de las diferencias en el tratamiento que dan al rey, Pulgarcito y Meñique.

 

Laboulaye

Martí 

 

 

Esto no es fácil, dijo Pulgarcito, pero por complacer a Su Alteza, probaré. " (p.116)

No es cosa fácil, -respondió Meñique,- pero  trataré de regalarle al gigante... " (18:317)

 

Cuando el pequeño parte la actitud de ambos hermanos es igual  en los  dos cuentos y consecuente con sus  características humanas. Pedro, llora; pero sin embargo no es capaz de acompañarlo en su difícil empresa. Es claro que si lo hubiera hecho se habría salido del  marco de su tipo humano. Pablo reía, lo que ya a esta altura del cuento remata de forma acabada su naturaleza cínica y egoísta. Esta es la última vez que aparece Pedro en el cuento, y Pablo solo volverá a aparecer al final; queda Pulgarcito (Meñique) como único y principal protagonista de la acción  dramática.

 

Continua el cuento con las escenas de Pulgarcito/Meñique con el gigante, donde hay algunas diferencias, pero la más notable es que Laboulaye usa el término "troll", con lo cual  enmarca al monumental personaje en el contexto de la mitología nórdica donde los troles son ogros monstruosos  deformes y feroces. Martí no emplea esa palabra. Para él se trata simplemente de un gigante, que por cierto tiene más de ingenuo que de agresivo.

 

PARTE V

 

En  esta parte se narra la llegada del pequeño personaje con el gigante y cómo ante tal hecho el rey plantea a la princesa  que  debe sacrificarse por su palabra. La princesa somete a su pretendiente a  un  juego de mentiras en el cual este termina victorioso al herirla inteligentemente en su orgullo de clase. Las narraciones son prácticamente iguales y solo se observan dos diferencias. Una es cuando la princesa responde a su padre el rey:

 

Laboulaye

Martí

 

 

"…princesa o no, a toda mujer le gusta casarse  siguiendo su gusto; déjeme defender mis derechos a mi manera. " (p.123)

"-Hija de rey ó hija de campesino, -respondió ella, -la mujer debe casarse con quien sea de su gusto. Déjame, padre, defenderme en esto que me interesa. " (18:321)

 

Se observa aquí un concepto de la vida sobre la elección de la pareja y la igualdad de la mujer. Además Martí enfatiza como  la actitud de Meñique ha logrado despertar el interés de la princesa. En segundo lugar, cuando se inicia el juego de mentiras, durante el  cual el gigante está junto a su pequeño amo, Laboulaye dice: "Era la fuerza al servicio del talento" (p. 124), donde se nota nuevamente el ya mencionado tono de lección.

 

PARTE VI

 

En esta parte la princesa decide poner a su pretendiente  tres enigmas, que son adivinados por él, obteniendo así su mano. La traducción es prácticamente textual salvo que, durante el tercer enigma, Martí elimina una de las cuatro preguntas originales  con su correspondiente respuesta.

 

PARTE VII

 

Las diferencias en el inicio de esta séptima parte que se inicia con la boda de la princesa y Pulgarcito (Meñique) ya fueron explicadas en nuestro ejemplo introductorio por lo que no añadiremos más comentarios. Posteriormente, como ya habíamos señalado aparece nuevamente la figura de Pablo:

 

Laboulaye

Martí 

 

 

"…un solo hombre escondido en una esquina, se divertía de una manera en nada parecida a la del resto del mundo, era Pablo. Se sentía feliz de  que le hubieran cortado las orejas, porque estaba sordo y no escuchaba los elogios prodiga dos a su hermano en desquite, se sentía infeliz de no ser ciego, pues tenía que ver la sonrisa de los dos esposos. Así, terminó por huir al bosque, donde fue comido por los osos; yo le deseo otro tanto a todos los envidiosos. " (p.130)

"Pero en un rincón había uno que no hablaba ni cantaba, y era Pablo, el envidioso, el paliducho, el desorejado, que no podía ver a su hermano feliz, y se fue al bosque para no oír ni ver, y en el bosque murió, porque los osos se lo comieron en la noche oscura. " (18:324)

 

Como vemos ambos cuentos mantienen la idea del final terrible del envidioso, sin embargo nuevamente se observa el tono de lección moralizante de Laboulaye en sus palabras finales. La idea  de Martí es como siempre más fluida, elimina algunos  detalles, se refiere  más claramente a la "muerte" de Pablo a la vez reitera sus características físicas como reflejo de su catadura moral y añade "la noche oscura" que da una nota de mayor dramatismo al final del envidioso personaje.

 

El resto del cuento se dedica a poner de relieve el resultado de la actuación del pequeño personaje, y en ambas versiones se narra como a pesar de su tamaño se ganó el cariño de su mujer y de la corte entera, observándose algunas diferencias importantes:

 

Laboulaye

Martí

 

 

"Después de la muerte de su suegro ocupó el trono durante cincuenta y dos años, sin que jamás nadie un solo día deseara  una revolución. Sería increíble si ello no estuviera atestiguado por las crónicas oficiales del reino. Tenía tanta delicadeza, dice la historia, que adivinaba siempre lo que podía servir o complacer a cada uno de sus siervos; era tan bueno, que el placer ajeno era toda su  alegría.  No vivía más que para los demás. " (p.130-131)

"...cuando murió el rey, entro á mandar, y estuvo de rey cincuenta y dos años. Y dicen que mandó tan bien que sus vasallos nunca quisieron mas rey que Meñique, que no tenía gusto sino cuando veía á su pueblo contento, y no les quitaba á los pobres el dinero de su trabajo para dárselo, como otros reyes, á sus amigos holgazanes, ó á los matachines que los defienden de los reyes vecinos. Cuentan de verás que no hubo rey tan bueno como Meñique." (18:324)

 

Como puede verse el enfoque de la bondad del pequeño es diferente: en Laboulaye es simplemente un hombre bueno convertido en rey, mientras que en Martí vemos conjugados los sentimientos de Meñique con sus funciones como gobernante de modo tal que su conducta difiere totalmente de los clásicos monarcas; Meñique es ante todo un gobernante justo y honesto que se preocupa por su pueblo. Además Martí elimina el comentario de Laboulaye acerca de la revolución, en el cual debe haber visto además de una aseveración históricamente contradictoria, algo innecesario dentro del contexto de su cuento.

 

Finalmente los cuentos concluyen también con diferencias importantes:

 

Laboulaye

Martí  

 

 

"Pero ¿por qué alabar su  bondad? ¿No es la virtud de  las gentes de talento? Por más que se diga no hay estúpidos buenos en este bajo mundo; solamente hablo de los estúpidos con dos pies y sin plumas. Cuando se es estúpido no se es bueno, cuando se es bueno no se es estúpido; crean mi vieja experiencia. Si todos los imbéciles no son malos, lo que yo dudo, todos los malos son imbéciles. Esta es la moraleja de mi cuento; puede  ser tan buena como cualquier otra. El que  encuentre una  mejor, la iré a contar a Roma." (p.131)

"Pero no hay que decir que Meñique era bueno. Bueno tenía que ser un hombre de ingenio tan grande; porque el que es estúpido no es bueno, y el que es bueno no es estúpido. Tener talento es tener buen corazón; el que tiene buen corazón, ese es el que tiene talento. Todos los pícaros son tontos. Los buenos son los que ganan a la larga. Y el que saque de este cuento otra lección mejor, vaya á contarlo en Roma." (18:324)

 

En primer lugar vemos como se mantiene en ambos la relación entre la aplicación consecuente de la inteligencia y el ejercicio de la bondad, explicado por Martí de forma sencilla sin el aire de lección de Laboulaye que incluso se refiere a la "moraleja" de su cuento y expresa sus opiniones personales. Martí añade además "los buenos son los que ganan a la larga", pues conoce que no siempre el triunfo de las ideas buenas está favorecido por la inmediatez y es necesario esperar condiciones propicias.

 

Las ilustraciones de Meñique

 

Finalmente queremos comentar el hallazgo reciente que informamos en La universalidad cultural de La Edad de Oro (15) acerca del autor de las ilustraciones del cuento Meñique: el dibujante inglés Thomas Morten (1836-1866).  La firma de este ilustrador aparece en el margen inferior izquierdo de la segunda ilustración del cuento Meñique. Indagando en la obra gráfica de este autor, hallamos las dos figuras del cuento Meñique en las ediciones inglesa (16) y alemana (17) de la obra del escritor satírico irlandés Jonathan Swift (1667-1745) Los viajes de Gulliver, en el capítulo que cuenta la visita del aventurero Lemuel Gulliver a Brobdingnag, el país de los gigantes. Thomas Morten es reconocido por sus ilustraciones de diferentes versiones de Los viajes de Gulliver.

 

En este caso, la relación del tamaño de Gulliver respecto a sus monumentales anfitriones que refleja la figura, sirvió a Martí para dar una imagen de Meñique en su encuentro con el gigante. En la obra martiana no hay referencias a Morten, pero sí hallamos una referencia a la obra de Swift en La América de Nueva York en octubre de 1883, cuando al hablar de la locomotora dice: “…dijérase que los tiempos se han trocado y que los liliputienses han venido a hacer visita a Gulliver.”(9:467) La versión de Contes bleus de Laboulaye de 1864 estaba ilustrada por el dibujante francés Yan Dargent y sin embargo, Martí no tomó ninguna de sus ilustraciones sino que -como ya señalamos- las buscó en fuentes más distantes, posiblemente de mayor calidad artística.

 

CONCLUSIONES

 

Con lo hasta aquí presentado queda demostrado que los dos aspectos educativos fundamentales que señalamos al inicio tienen  un gran valor en la versión original y son efectivamente empleados y enriquecidos por Martí para dar profundas enseñanzas. Las diferencias observadas pueden resumirse en tres tipos básicos:

 

SUSTITUCION. Cuando ocurre un cambio parcial o total en la estructura dada por Laboulaye y es sustituida por una nueva. Son ejemplo de ello, entre otros, la sustitución de una mejor posibilidad de vida en el extranjero por la nostalgia de la partida; el cambio del tipo de moneda y el cambio en las valoraciones sobre la princesa y el reino.

 

ELIMINACIÓN. Cuando la idea original de Laboulaye es eliminada totalmente de la versión traducida y no aparece en forma alguna. Tal es el caso de la eliminación de alusiones religiosas, de la jerga palaciega y adulona de Pulgarcito y el tono didáctico-moralizante que emplea Laboulaye en momentos claves del cuento.

 

ADICIÓN. Cuando Martí incorpora nuevos elementos que no aparecen en ninguna forma en la versión francesa. Son ejemplos, por citar algunos, la inclusión de distintos conceptos de la vida, el perfilamiento de los tipos humanos con características positivas o negativas que deslinden mejor las fronteras de cada personaje y el reforzamiento de los contrastes de clases.

 

Aunque de forma general, si tenemos en cuenta la extensión del cuento, las diferencias son pocas pues se trata en definitiva de una versión adaptada, puede concluirse que estas son sustanciales y hablan de los bien definidos propósitos educativos de Martí en La Edad de Oro.

 

REFERENCIAS

 

(1) Salvador Arias 1999. La boda de Meñique, Pp. 9-10. En Glosando La Edad de Oro. Centro de Estudios Martianos, 92 pp.

(2) Elena Jorge Viera 1989. Notas sobre la función de La Edad de Oro. En: Acerca de La Edad de Oro, Editorial Letras Cubanas, La  Habana, p. 324.

(3) Herminio Almendros 1989. A propósito de La Edad de Oro: los cuentos. En Acerca de La Edad de Oro, Editorial Letras Cubanas, La Habana, 1989, p. 126.

(4) José Ismael Gutiérrez 2000. José Martí y la traducción de cuentos para niños: tradición y originalidad

(5) Fryda Schultz de Mantovani, 1989. La Edad de Oro de José Martí. En: Acerca de La Edad de Oro, Editorial Letras Cubanas, La  Habana, p. 100.

(6) Alejandro Herrera Moreno 1985. El Meñique de José Martí: algo más que una traducción. En: Los Jóvenes hablan de José Martí, Editorial Ciencias Sociales, La Habana, Cuba, p. 85-131.

(7) Éduoard Laboulaye 1864. Poucinet. En: Contes bleus. Furne et Cie. Libraires-Editeurs, Paris, p. 135-181.

(8) Boris Lukin 1989. Versión martiana de un cuento popular de Estonia, en Acerca de La Edad de Oro, Editorial Letras Cubanas, La Habana, 1989, p. 311.

(9) Porfirio Valientes Cuevas. 1889. Reformes de les iles de Cuba et de Porto Rico, E. Imp. Centrale des Chemin de Fer, Paris, 1869 (Prólogo de E. Laboulaye), p. 12.

(10) Éduoard Laboulaye 1884. L'ecrevisse. Conte esthonien. Derniers contes bleus. Paris: Jouvet,  p.13-135.

(11) Elizagaray, Alba Marina 1981. Niños, autores y libros. Editorial Gente Nueva, La Habana, p. 9.

(12) Herminio Almendros, ob. cit., p. 126.

(13) Herminio Almendros, ob. cit., p. 126.

(14) Boris Lukin, ob. cit., p. 311.

(15) Alejandro Herrera Moreno 2009. La universalidad cultural de La Edad de Oro a través de sus personajes y obras. Trabajo presentado en el IV Coloquio Internacional José Martí y las Letras Hispánicas. Centro de Estudios Martianos, La Habana, Cuba, Mayo 2009.

(16) Jonathan Swift 1901. Gulliver's travels into several remote regions of the world. Editor: Thomas M. Balliet, D. C. Heath & Co.

(17) Jonathan Swift 1904. Gulliver's Reise nach Brobdingnag. Ilustrador T. Morten Internationale Jugendbibliothek – Deutschland, 61 pp.

 


Nota. Las referencias al cuento de Laboulaye se indican con el número de página (np) según la edición de 1864. Las referencias martianas se indican con el número del tomo de las Obras completas seguido de dos puntos y el número de página (t:np). Las restantes referencias se indican con  números consecutivos entre paréntesis  referidos a la bibliografía al final del trabajo.

Referencia: Alejandro Herrera Moreno 2013. Análisis en línea de textos de La Edad de Oro de José Martí: Meñique.

Fundación Cultural Enrique Loynaz, Santo Domingo. Sitio Web: http://www.laedaddeorodejosemarti.com/meñique.htm

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